Le Chaudron Baveur

"Votre survie" dit-il en replaçant son képi sur son crâne.
Ceci dit, il tourna les talons puis, sans un mot il sortit du chaudron baveur.



Puis il re-rentra en disant :
"J'avais oublié que je dormais ici" tout en se dirigeant vers les escaliers.

Richard haussa un sourcil en voyant le pauvre garçon qui venait de se donner spectacle, tandis que sa mère, d'un regard hautain, le dévisagea, avant de s'adresser à son fils.


- Je vais au petit coin. Je reviens.

Elle quitta ensuite les lieux, direction les toilettes, tandis que le petit Gagnon, après avoir sorti un mouchoir de sa poche gauche, s'approcha du garçon qui venait de se renverser sa boisson dessus.


- Euhh, ca va? Tiens, essuie toi. T'es entrain de t'en mettre partout dessus.

Récupérant d'une main tremblante le tissu qui lui était tendu, Charles nettoya du mieux qu'il le put ses vêtements avant de répondre, sans oser relever la tête vers son interlocuteur.

- J-Je..Vous remercie. D-Dois-je vous rendre le mouchoir ? C-C'est-à-dire que le voilà tout sale..

Richard le dévisagea lorsque le garçon lui tendit le mouchoir sale.

- Euhh non, tu peux l'garder. T'es bien l'air stressé, ca va tu?

Charles redressa finalement la tête pour faire face à celui qui lui parlait. Il examina brièvement le jeune garçon avant de répondre avec un sourire bienveillant bien que nuancé par une once de tristesse.

- J-Je vais mieux. M-Merci beaucoup. P-Pourrais-je avoir votre nom..? Loin de moins l'idée d'être intrusif, j-je veux simplement connaître l'identité de mon b-bienfaiteur..

Richard sourit.

- Moi c'est Richard. Richard Gagnon. Enchanté.

Il lui tendit la main droite, pour l'aider à se relever.

Et toi, c'est quoi ton nom?

Saisissant nerveusement sa main, Charles s'appuya sur cette dernière pour se relever.

- Charles, C-Charles de Vignolles. V-Vous êtes tout seul ici.. ?

Richard réfléchit pendant un moment.
- De Vignolles? C'est une famille de sorciers de France je suppose? C'est bien ça? 

Le garçon commencait à stresser. Ce serait une honte s'il venait juste d'aider un Sang-de-bourbe.

- Et non, je suis venu avec ma mère, mais elle est partie au petit coin. Elle devrait être de retour dans pas trop longtemps.

Charles haussa les sourcils de surprise, étonné par la perspicacité du jeune garçon.

- C-C'est exact. C-Comment le savez-vous..? 

Demanda-t-il malgré sa timidité, se faisant violence pour satisfaire sa curiosité.

Richard laissa échapper un soupir de soulagement. Ouf, ce n'était pas un Sang-de-Bourbe.

- J'ai deviné, tout simplement. Je me doutais bien que tu n'avais pas l'allure d'un Sang-de-Bourbe.

Il sourit, avant de poursuivre en Français, avec un fort accent Québécois.

- Alors, qu'est-ce qu'un Français vient faire en Angleterre?

Alors qu'il était probablement en train de siroter sa limonade de façon tout à fait innocente, assis seul quelque part dans le bar, personne ne semblait prêter attention à ce jeune garçon. Les autres clients étaient installés entre eux, dégustant tranquillement bières au beurre et autres breuvages plus ou moins alcoolisés. Ils étaient pour la plupart au beau milieu de conversations animées et bruyantes, qui plongeait le bar dans une certaine cacophonie ou les discussions des uns se mélangeait à celles des autres dans un brouhaha assourdissant. Si le jeune Wallgrame était tenté de tendre l'oreille, il lui aurait été bien compliqué de comprendre quoi que ce soit de ce pouvaient bien se dire ces nombreux sorciers.

Au cours de son observation, il put tout de même remarquer un homme qui n'avait aucune compagnie, tout comme lui. Et pour cause, ce dernier avait vraiment l'air repoussant. Il semblait si sale qu'on pouvait aisément deviner l'odeur qu'il pouvait bien dégager, et ses habits dépareillés couverts de crasse et de tâches de précédents repas - dont le premier devait remonter à plusieurs jours - se faisaient le reflet de son hygiène déplorable. Et pour couronner le tout, il semblait particulièrement éméché par l'alcool, comme en témoignaient les chopes vides à l'abandon sur la table devant lui. Comment un sorcier avait pu tomber si bas, et comment pouvait-il être accepté dans l'enceinte du bar, c'était un mystère.

Le problème, c'est que s'il n'avait pu échapper à la vue d'Hugo, lui aussi l'avait bien remarqué, et une fois que leurs regards se furent croisés, l'homme hirsute ne le quitta plus des yeux. Après un court instant, il se leva de son siège qui, libéré du poids d'un bide gonflé à la bière, poussa un grincement semblable à un soupir de soulagement. Le sorcier, de ce pas mal assuré et dandinant propre aux alcooliques, se dirigea lentement vers Wallgrame.

Charles répondit avec un grand sourire, sa timidité presque effacée par la joie qu'il ressentait de rencontrer un autre francophone.

- Je viens faire des achats, je prépare ma rentrée pour Poudlard. C'est mon oncle qui m'a envoyé ici, je vis avec lui en Écosse depuis la mort de mes parents. Vous avez parlé de.. Sang-de-Bourbe, c'est ça ? Pouvez-vous m'en dire plus sur le sujet..?

Voyant le répugnant personnage s'approcher de lui, Hugo ne se gêne pas pour arborer un sourire narquois volontairement très visible. Une fois l'homme assez proche de lui pour qu'il puisse l'entendre malgré le brouhaha général, Hugo lance un:

" Bonsoir !"

Il regrette aussi tôt d'avoir parlé, venant de sentir l'odeur ignoble que dégageait le sorcier. Sans se gêner encore une fois, Hugo monte sa chemise au niveau de son nez, ostensiblement.

On pourrait croire que l'homme se serait offusqué de l'attitude dégoûtée d'Hugo, mais en réalité cela provoque chez lui un rire gras, celui d'une personne résignée qui préfère rire d'elle-même plutôt que de s'apitoyer davantage sur son sort. Il a depuis longtemps troqué la honte contre l'auto-dérision, et si quelqu'un ici semble sans gêne, c'est bien lui. Il ne se soucie pas un seul instant du regard que le jeune Wallgrame porte sur lui, ou du haut-le-coeur qu'il lui inspire, si bien qu'il vient s'installer juste à ses côtés. Proche, bien trop proche, comme un bon ami, comme un frère qui viendrait lui faire une confidence. Dans un relent pestilentiel porteur de postillons probablement infectieux, il lui souffle ces mots au visage :

" Héhéhé, hé bah, p'tit gars ? Hé bah dis donc ? Qu'est-ce c'est qu'ça ? Il se permet de saisir son verre de limonade, l'examine de deux yeux moqueurs, avant de le reposer avec tant de gaucherie qu'il en renverse une petite quantité. C'pas une boisson d'homme, ça ! C't'une... C't'une boisson d'fiotte ! Héhéhé ! " affirme-t-il avec machisme et beauferie.

Et le voilà qui rit de plus belle, d'un tel fou rire qu'il manque de tomber à la renverse, et se retient de justesse en posant sa grosse main sur l'épaule d'Hugo.

Hugo fit un mouvement d'épaule pour en retirer la main de l'homme puis, tout en fixant l'individu d'un regard plutôt agressif, Hugo se mit a rire d'une façon volontairement exagéré, et absolument pas naturelle, comme pour signifier qu'il refusait la complicité, ou tout du moins la familiarité, que cet alcoolique essayait d'instaurer entre eux.

Puis Hugo dit: "Que voulez vous au juste ?", tout en prenant soin d'essuyer avec le revers de sa manche les traces de doigts grasses que l'homme avait laissé sur son vers.

Lorsqu'Hugo se met à rire lui aussi, l'homme rit de plus belle encore, apparemment aveugle au sous-entendu que suggérait l'attitude du garçon. Quand ce dernier lui demande ce qu'il pouvait bien vouloir, il se fait soudainement silencieux. Les yeux mi-clos, son regard se perd un instant dans le vague, comme éteint. Il a l'air tout simplement frappé de somnolence. Soudain, il s'ébroue, secoue la tête, et observe un instant les alentours, passant lentement en revue les personnes présentes dans le bar. Enfin, son attention se reporte sur le jeune garçon. Son expression a changé, et n'a plus rien de rigolarde : dans ses yeux fous, une lueur mauvaise semble s'être allumée.

" Mais dis-moi, p'tit gars... Il a un large sourire, qui cependant n'a rien d'amical. T'es v'nu tout seul, ici ? J'vois pas d'père, ni même d'mère... Y'a personne avec toi hein ? T'sais, c'pas un endroit pour les gosses. Il se penche davantage vers lui, l'air menaçant. C'dangereux d'traîner tout seul, dans un coin comme c'ui-là, tu sais... " fait-il d'une voix pleine de sous-entendus.

Dans le bar, toujours, personne ne semble remarquer la scène qui se déroule ici, ni entendre la moindre bribe de cette conversation.

Hugo avait pour habitude de se mettre dans des situations compliquées, ce qui lui procurait toujours cette sensation étrange et difficilement descriptible, où il se rendait compte qu'il avait des ennuis. Là, cette sensation était présente. Hugo s'enfonça dans sa chaise le plus possible, comme pour chercher à s'éloigner le plus possible de l'homme et dit: "Alors, heu ... oui, mais ... comment dire, vous voyez bien que cette salle est rempli de monde... et puis qui pourrait bien me vouloir du mal, n'est ce pas ?" répondit Hugo, qui avait pleinement compris le sous entendu.

Au fur et à mesure que Hugo s'enfonçait dans sa chaise, le gros alcoolique effrayant n'avait de cesse de se rapprocher. Il sembla trifouiller dans sa veste, fouilla une poche... Puis une autre... Et encore une autre, où enfin il dénicha ce qu'il cherchait : rien de moins qu'une baguette magique. Enfin, si on pouvait encore appeler " baguette " ce bout de bois brisé en trois endroits, et rafistolé avec un bout de scotch ainsi qu'une certaine quantité exagérée de colle qui bavait sur toute la surface de l'objet. Il l'avait sortie sans aucune discrétion, et n'était nullement inquiété de l'agiter ouvertement sous le nez d'Hugo.

" Ouais ouais, j'vois bien qu'y'a du monde... Mais tout ce p'tit monde tu vois, il en a rien à faire de moi, y m'voit même pas... Et toi c'pareil, il s'en tamponnent de toi comme d'la dernière pluie ! T'peux m'croire, s'en foutent. Ouais, s'en foutent... Il baissa les yeux, et son visage se para d'une infinie tristesse. Un court instant. T'es tout p'tit, t'y connais rien en magie, pas vrai ? Il fit quelques mouvements avec sa baguette. T'sais que j'pourrais t'faire disparaître, là, comme ça ? Ça m'prendrait... Rien qu'une seconde ! Rien qu'une... "

Mais il n'eut pas le temps de finir sa phrase. Alors qu'il parlait, un seau d'eau glacée s'était discrètement envolé jusqu'au dessus de lui, avant de se déverser d'un coup d'un seul sur sa tête. Il ouvrit grand la bouche de surprise, frigorifié jusqu'à l'os, secoua les bras avant de tomber à la renverse sur le sol. Sa baguette le suivit, et les réparations de fortune cédèrent à la même occasion. Celui qui avait décidé de lui rafraîchir les idées de manière un peu abrupte n'était autre que Tom, le tenancier du bar, et désormais bienfaiteur d'Hugo. Contrairement à ce que cet ivrogne pensait, le barman avait lui toujours un oeil sur ses clients, et de ce qui se passait dans l'enceinte de son établissement, rien ne lui échappait.

" Arrête un peu ton manège, et cesse d'embêter le gamin, Kenny ! Tu crois que je ne te vois pas faire ? Tu fais peur à personne avec ta baguette, t'es même pas fichu de lancer un sortilège de récurage sur tes vieilles fripes ! Retourne dans ton coin, et fais-toi oublier, parce que si tu te fais encore remarquer, cette fois je te jette dehors pour de bon ! Des menaces en l'air, que Tom, compatissant, ne mettrait jamais à l'oeuvre. Une fois que le dénommé Kenny repartit vers son siège en rampant, le barman se tourna vers Hugo. Ça va, petit ? Fais pas trop attention à celui-là. Il a trop bu, comme d'habitude. Il est pas méchant, en fait. Et encore moins dangereux. Il voulait juste te faire... un genre de blague. C'est un humour un peu bizarre, ouais. Mais je peux pas le virer. Où il irait ? Il me fait de la peine, tu sais... Tiens. D'un coup de baguette, il débarrassa le verre de limonade, et lui en servit un autre. Voilà, comme si de rien n'était ! "

Hugo regarda toute la scène, en s’efforçant de faire comme si tout lui paraissait normal, et qu'il vivait ce genre de situation tout les jours, même si bien sur, ce qui venait de se passer l'avait tout de même beaucoup impressionné. Il remercia le barman a demi mot, avec le ton le plus assuré possible. Hugo n'aimait pas dépendre des autres, mais sur ce coup là, il avait été bien content de voir arriver le dénommé Tom. Il bu sa nouvelle limonade d'une traite, et se dirigea vers la sortie, en prenant soin d'éviter tout contact visuel avec quiconque.

- Ah! Tout comme moi alors. Je vais aussi commencer ma première année à Poudlard cette année! J'ai bien hâte d'y être arrivé déjà.

Il fronça un sourcil.

- Ah, tu connais pas ce qu'est un Sang-de-Bourbe? Ce sont des ''sorciers'', il prit un ton ironique sur le terme ''sorcier'', qui n'ont aucuns parents sorciers. Ce sont des anomalies, des enfants de moldus, élevés par des moldus, qui préfèrerons toujours les leurs à nous, véritables sorciers. Certaines chochottes les appelle Né-Moldu, peut-être que t'en a déjà entendu parler.

Il haussa les épaules.

- En bref, des gens peu recommandables.