Ollivander - Fabricants de baguettes magiques

Pourquoi les états d'âme du vieil homme l'intéressaient-elle à ce point ? Souhaitait-elle se délecter de ses tourments, se passionnait-elle pour ses malheurs ? Voudrait-elle sonder l'âme de celui qui sait si bien cerner les gens ? Alors que, faussement innocente, la jeune fille tout juste sortie de son effrayante crise hystérique le questionne, une ombre passe sur le visage du vieil homme. Alors que machinalement, il emballe la boîte dans un petit sac, avant de farfouiller dans la bourse pour se saisir du montant qui lui sera nécessaire, il répond avec honnêteté :

" Les baguettes... sont des objets rares et précieux, et leur confection n'est pas de tout repos. On ne crée pas une baguette pour chaque sorcier qui vient à naître ; non, elles se transmettent, de génération en génération, de main en main. Lorsqu'un sorcier vient à perdre la vie, sa baguette souvent me revient, pour que je puisse la transmettre par la suite. Et celle-ci... Et bien, disons que je ne m'attendais pas à la revoir de sitôt, Mademoiselle. " explique-t-il avec un triste sourire.

La vieil homme ne répond pas immédiatement. Il se désole que la jeune Frascone ait décidé à ce point d'insister. De ses yeux, qui se font plus brillants et humides de seconde en seconde, alors que les souvenirs lui reviennent, une larme vient perler, aussitôt cueillie par le doigt quelque peu tremblant de l'artisan. Il pousse un profond soupir, et bien qu'il s'apprête à faire le récit de la baguette, il cherche à se changer quelque peu les idées en comptant les grosses pièces qu'il a disposées sur le comptoir. A occuper son esprit à des pensées moins affligeantes.

" J'ai vendu cette baguette... L'année dernière. Il ferme un instant les yeux, secoue ostensiblement la tête. Elle avait votre âge, Mademoiselle Frascone. Elle allait, comme vous, faire sa rentrée à Poudlard, l'apprentissage de sa magie. Mais elle n'en a jamais eu l'occasion. Dorothy... Stock. Stock, oui, c'était ainsi qu'elle s'appelait. Il y a eu, l'été dernier, un drame terrible. Son regard se perd dans le vague, il a déjà perdu le compte des Gallions. Un attentat mené par ceux que je crois être vos semblables, Mademoiselle. Et beaucoup y ont perdu la vie. J'ai vu de nombreuses baguettes me revenir, bien avant l'heure. Autant de vies nous ayant quittés prématurément. Et celle que vous tenez entre vos mains en fait partie. Mais... "

Puis soudain, il secoue vivement la tête et semble revenir à lui.

" Mais je ne devrais pas vous raconter tout cela. Pardonnez-moi. Si je ne peux que vous conseiller d'être prudente en ces temps troublés, sachez qu'un tel drame ne... devrait pas se reproduire. Gardez l'esprit léger. "

Sans finir de compter, alors qu'il manque certainement deux ou trois pièces, il empoche la somme et la fait glisser dans sa caisse d'un revers de la main.

" 46 Gallions, pas plus, peut-être moins, ce n'est pas bien grave. Il lui tend le sac, contenant la boîte. Tenez, elle est à vous. Mais prenez garde, et rangez-la immédiatement. Vous n'avez le droit, pour l'instant, de ne vous en servir que durant vos cours. "

A mesure que le récit d'Ollivander se poursuivait, la jeune fille percevait chez le vieil homme une tristesse intense qui elle même la toucha, non pas qu'elle fut ne serait-ce qu'émue une seule seconde ! Cela lui semblait simplement très curieux, voire presque inquiétant, de se retrouver en la possession de la baguette d'une gamine macchabée. Qu'aurait-elle accomplit, cette Dorothy, en vie ? Le funeste instrument de magie semblait de fait correspondre à de bien sombres personnalités… La jeune fille s'empara du sac tendu par l'artisan. Devant la patience dont il avait fait preuve, Carol resta respectueuse et ne lui fit pas l'affront de simuler la chagrin ; de toute façon, il saurait le déceler ! Elle préféra alors perdre son sourire pour un air grave, tout aussi hypocrite, mais moins provocateur. Se saisissant de la bourse qu'elle glissa dans son sac en perle, elle adressa enfin à son interlocuteur un regard qui sembla être illuminé un instant par une lueur d'humanité. 

- Je lui ferais honneur, je le promets. Paroles creuses, promesses sibyllines… Elle ne prenait pas beaucoup de risques.  

Alors qu'elle se dirigeait vers la sorti de l'échoppe, un sentiment d'omnipotence lui fit tourner le tête. Désormais capable de magie, l'ange de la terreur commencerait une longue et tumultueuse quête de la puissance. Saluant le vieil homme d'une main qui papillonnait, elle lui lança :

- Au plaisir, monsieur Ollivander ! A l'avenir, retenez qu'un simple loquet vous protègera mieux des charmantes jeunes filles…