Ollivander - Fabricants de baguettes magiques

Ce n'est pas grave mon garçon, je ne suis plus à une étagère près.

Il soupira, puis, esquivant la question de Lawrence il enchaîna.

Viens t'asseoir sur le tabouret là bas, je vais chercher ce qu'il te faut.

Les paroles d'Ollivander rassurèrent le garçon. S'il devait rencontrer de l'hostilité dans le monde de la magie pour être né dans une famille moldue, il valait mieux ne pas en rajouter par des gaffes stupides. Il s’essaya dans le coin désigné par le vendeur et se demanda comment Ollivander pouvait trouver la baguette qui correspondrait à Lawrence. Est ce qu'il fallait en essayer plusieurs jusqu'à trouver chaussure à son pieds ou est ce que l'homme lui en avait déjà mis une de côté, prévenant sa visite de la même façon mystérieuse qu'il avait su le nom de Lawrence avant que le garçon ne se présente.

Slawek sursauta, au tintement de clochette, et se retourna, il viend alors souffler de soulagement. L'homme, les mains posées sur les épaules du garçon vient alors le regarder.

-Ce n'est rien Maître Slawek... détendez vous... Etes vous sur qu'il soit opportun de vous inscrire présent cette année ?

-Oui Manfred... Ca l'est, je ne peux pas faire autrement, je le dois.

Alors...

Le vieux Ollivander passa ses yeux vêtus de lunettes du jeune Lawrence à ses rayons, puis, pris d'un sourire soudain, il vint tirer une boîte.

Oui... Oui... C'est celle-ci, il ne fait aucun doute. Bois d'érable... Ventricule de dragon... 

Ainsi il s'approcha du jeune garçon, ouvrit la boîte et présenta la baguette.

Essaye là, fais un mouvement de poignée.

Lawrence vit le vendeur lui tendre une baguette. La confiance de ce dernier contrastait avec le scepticisme du jeune homme. Néanmoins l'objet qui lui était tendu rappelait au garçon de bons souvenirs, puisque le bois de la baguette était semblable a celui d'un arbre qui se trouvait chez un voisin de la ferme familiale. Le garçon se demande ce que penserait ses parents en le voyant ainsi, a la recherche d'une baguette magique comme on achèterait des crayons ou des livres avant d'entrer en classe. En empoignant la baguette, Lawrence eu un moment d'hésitation, il n'était pas sûr que répéter le mouvement inconsidéré de tout-à-l'heure soit très prudent. Cependant les regards appuyés des autres enfants et du vendeur le convainquirent de retenter l’expérience. Il fit un bref geste du poignet, s'en suivie une impression que Lawrence aurait bien du mal à décrire mais qu'Ollivander avait parfaitement résumé dans ses précédentes paroles : C'était bien celle-ci, il ne faisait aucun doute.


Il s'acquitta auprès du vendeur de ce qu'il lui devait et le libéra pour qu'il retourne conseiller les autres enfants. Lawrence sortit de la boutique et s'occupa de se procurer les fournitures scolaires qu'il lui manquait.

Alors Garrick Ollivander se tourna vers le jeune Picard.
Interloqué, il lui semblait l'avoir déjà vu l'année dernière.

Monsieur Picard si je ne m'abuse ? Qu'est ce qui vous amène ? Un problème avec votre baguette ?

Slawek regardera le vieux marchand de baguette. Le majordome ne bougera pas.

-Picard... ou un autre, quelle importance ? Mais je viens pour une nouvelle baguette, la mienne ayant été cassée lors de... la coupe... Alors... je voulais savoir combien de temps il faudrait pour... Que l'on me réalise une baguette identique à la précédente... Il ne me reste que... Le garçon sortira de sa poche, la poignée ornée du thestral de sa baguette.

Garrick approcha son visage un peu plus morne que d'habitude sur le cadavre de la baguette. S'il y a bien quelque chose qui le faisait frissonner c'est de voir l'une de ses œuvres en piteuse état.

Venez la veille de la rentrée, je devrais l'avoir terminée...

Il récupéra, comme l'on récupère un oiseau au seuil de la mort, le manche dans ses mains puis alla le placer sur un bureau à côté d'autres baguettes cassés.

Cela vous coûtera le même prix qu'une baguette classique, disons un mornille de moins car je peux récupérer le manche.

-Je vous en donnerai le double... Je... m'en veux de l'avoir cassée...

Le garçon viendra sourire timidement.

-Merci énormément Monsieur Ollivander, énormément.

Dès que le jeune Gryffondor aura quitté la boutique, Emily s'approchera du comptoir, avec Norah.


- Bonjour M. Ollivander, vous m'avez vendu une baguette l'an dernier, peut être vous en souvenez-vous ? Nous sommes ici aujourd'hui pour Norah, c'est sa 1ère année à la rentrée.

Elle se tourna ensuite vers Norah, encourageant sa jeune sœur a être un peu plus bavarde que d'habitude.

Ollivander quant à lui était en cet instant occupé à refaire ses étagères et trier ses baguettes pour combler l'absence de celles qui l'avaient quitté aujourd'hui. Cette période était sa préférée de l'année : celle où les jeunes bambins, à la fin de l'été, s'apprêtaient à quitter pour la première fois le domicile familial pour rejoindre l'école de Poudlard. Aujourd'hui, il avait eu affaire à toutes sortes de jeunes gens, des gentils, des aimables, des rustres et des mal-éduqués, des gros, des petits, des grands des fins, des beaux... et des moins beaux. Chacun d'eux avec sa personnalité propre, ce quelque chose d'unique. Et pour chacun d'entre eux, comme toujours il était parvenu à trouver la baguette idéale, avec sa personnalité bien à elle et son caractère singulier.

Et pourtant, malgré tous les profils s'étant succédés du matin jusqu'au soir, il n'avait pas eu l'occasion d'avoir affaire à une créature aussi particulière que celle qui vient de sonner clochette dans sa boutique. Après cette journée harassante qui n'en finissait pas, il était bienheureux de pouvoir retrouver un peu de tranquillité, se faisait joyeux à l'idée de profiter d'une soirée de repos bien méritée. Des espoirs que Carol Frascone, d'un doux tintement musical, venait de broyer sans état d'âme. Le vieux fabricant fut si surpris d'être ainsi troublé à une heure aussi tardive qu'il sursauta, et la boite qu'il était en train de placer haute-perchée lui échappa des mains pour lui chuter en plein sur le visage. Il manqua de glisser de son escabeau, étouffa un juron, et s'en vint quelque peu furibond en direction de son comptoir, bien curieux de savoir quel genre d'illettré incapable de lire un écriteau " Fermé " se permettait de venir le déranger.

Faisant enfin face à cette jeune fille bien apprêtée, dont la robe de star scintillait comme une voûte étoilée, il resta interdit quelques instants. A une heure pareille, il n'avait pas pensé faire face à une enfant. Il fronça les sourcils, essayant de définir si oui ou non, les jeunes filles de son âge étaient toutes capables de lire correctement. Mais s'il s'apprêtait à chasser l'intrus quand il ne savait pas encore qui il était, face à Carol, il se radoucit soudain, étant de nature compréhensive lorsqu'il faisait face à des enfants, chose peu anodine dans son métier.

" Hem... Pardonne-moi, jeune fille, mais... Peut-être n'as-tu pas vu l'écriteau à l'entrée, mais je suis actuellement fermé. Ce n'est pas une heure pour faire ses courses ! Où sont donc tes parents, dis-moi ? "

La demoiselle jubilait, l'œil pétillant d'une excitation presque d'angoissante. L'effet de son entrée fracassante était parfaitement fluide, le scénario se déroulait selon une dramaturgie qu'elle affectionnait tant ; semer le doute ou le mystère, cela ne pouvait qu'être sa spécialité. Elle plissa les yeux, souleva un sourcil interrogateur et s'avança vers le vieil homme d'un pas lent et dédaigneux. Ce dernier paraissait douter de son alphabétisme. Pire ! Il ne connaissait pas son nom… Ce qui était certain, c'est qu'elle ne venait pas d'élaborer cette apparition sophistiquée pour finir hors de la misérable boutique. Désireuse d'accorder le moins de mots possible au vieillard, elle sorti avec délicatesse de son sac en perle un exemplaire du Daily Post lequel contenait, entouré au rouge à lèvre, l'article sur la mort de la pauvre Madilynn Frascone. Un mince sourire, un air indiscernable ornait son visage angélique. Lorsque enfin elle s'assura de l'expression de surprise de son interlocuteur, cette dernière prit la parole d'une voix feutrée qui ne dissimulait pas son accent californien. 


- Je suis la pauvre Carol Frascone. Une étrange lueur apparue un instant dans ses yeux grands yeux azurs. Croyez-vous que c'est un carton qui m'empêche de franchir cette porte ? 

Le vieil homme, décontenancé par l'attitude cavalière de la jeune fille, se saisit du quotidien et le parcourt d'un oeil intrigué. Il comprend bien vite qu'il s'agit là de presse américaine, ce qui confirme son idée quant aux origines et à l'accent de la petite blonde. Il en lit rapidement les gros titres, et comprend alors à qui il a affaire. Premièrement, une américaine, certes. Mais aussi, une célébrité, rien que ça. Mais surtout... une moldue. Trois particularités qui expliquent probablement son attitude hautaine et discourtoise. Mais sa notoriété n'impressionne en rien le vieillard, qui ne connaît ni Hollywood ni Frascone, pas plus qu'il n'est ému du décès de la mère de la jeune fille ; du moins, pas plus qu'elle-même ne semble l'être. Il pousse un profond soupir accompagné d'un regard légèrement méfiant. S'il sait se montrer compréhensif, il faut avouer que sa patience se trouve légèrement érodée après une journée de dix heures de travail.

" Non, en effet, mademoiselle. Un carton n'a pas ce pouvoir. La prochaine fois, je n'oublierai pas de l'accompagner du loquet. Merci de mettre en lumière mon étourderie : croyez-moi, on ne m'y reprendra pas deux fois. De nouveau, il souffle, las. Enfin bref. Je vous sommerais bien de quitter les lieux, mais maintenant que vous êtes là, autant vous éviter d'avoir à revenir. Davantage pour lui que pour elle. Alors dites-moi, Mademoiselle Frascone, que puis-je faire pour vous ? "

Mais s'il y a bien quelqu'un sur qui les les basses tentatives de manipulation ont peu d'effet, c'est bien sur ce vieil Ollivander. Après tout, il est essentiel dans son métier de savoir cerner les gens, et s'il a déjà eu affaire à des centaines, voire même des milliers d'enfants au cours de son existence, parmi eux s'étaient trouvés bon nombre de futurs petits Serpentards qui avaient cru pouvoir le tromper et faire de lui une marionnette. Mais les flatteries hypocrites et les excuses feintes ne prennent pas avec cet expert du profilage. Si le jeu d'acteur de la jeune fille semble être au point, elle peine pour autant à paraître crédible, ayant donné auparavant une première impression certaine de sa véritable nature. Une maladresse dans le mensonge à mettre sur le compte de son jeune âge, probablement.

" Voyez-vous cela, répond l'artisan dont le visage reste de marbre. Et bien... Je crains que vous ne soyez obligée d'aller voir ailleurs, jeune fille ! Je ne peux confier une baguette à quelqu'un qui ne connaît rien à la magie. Oui, c'est cela... Vous ne la méritez pas. Et c'est le meilleur qui vous le dit. " dit-il avec un léger sourire en coin, tout à fait provocateur.

Bien sûr, rien de tout cela n'est vrai. Mais au petit jeu des mensonges, le fabricant lui aussi sait jouer, et quoi de plus crédule que ces enfants qu'il connaît si bien. Ce faisant, il espère la voir montrer de nouveau ce visage qui est le sien, simplement pour se faire une idée plus précise de la boîte qu'il finira par s'en aller chercher.

De toute évidence Ollivander mentait. Durant toutes ces années passées à côtoyer le tout Hollywood et ses hordes de journalistes, monde d'hypocrisie paroxystique où elle avait grandit, la jeune fille avait appris et assimilé comme personne le double niveau de lecture des paroles. En d'autres termes, le mensonge, ça la connaissait. Toutefois une chose la frappait. "Comment peut-il refuser de vendre ? De gagner mon argent ?" se répétait la jeune fille, sidérée. Le monde qu'elle connaissait, corrompu, avide et matérialiste, n'aurait jamais craché sur une somme coquette comme celle qu'elle s'apprêtait à déverser sur le comptoir poussiéreux. La jeune fille tressaillit. Impuissante, elle était soumise à la bonne volonté du maître des lieux qui avait certainement comprit son interprétation pourtant si bien rôdée. Un sentiment de rage commença à l'envahir : derrière ses grands yeux d'azur défilaient de terribles images de violence et de destruction. De sa frénésie, seule une main tremblante et crispée restait perceptible. Carol soupira, et ses pensées obscures s'envolèrent. 


- Je crois plutôt que c'est cette baguette qui ne me mérite pas ! Un sourire incompréhensible réapparu sur sa séduisante figure. Ironisait-elle ? Je sais mentir monsieur Ollivander, mais je sais aussi détecter un mensonge, c'est cela ma magie. Là où j'habitais, ceci, elle sortit une bourse pleine de monnaie qui qu'elle fit teinter en appréciant chacune des sonorités, permettait de connaitre ou de créer la vérité. 

Longuement, silencieusement, le commerçant a scruté la réaction de la jeune fille, ce que ses lèvres taisaient mais que son regard trahissait, la main nerveuse venue poser la bourse sur le comptoir. Non seulement a-t-il vu en elle tout son machiavélisme, mais maintenant voilà qu'il décèle une certaine tempétuosité voilée par les mascarades et les artifices. Sous le masque de ce joli minois, au sourire aussi séducteur que perfide mis en valeur par un rouge à lèvres des plus inappropriés et pourtant curieusement bien porté, semble se cacher un visage tout à fait méphistophélique, celui d'une toute jeune veuve noire, celui d'une succube en devenir. Il en vient à se demander ce dont elle aurait été capable, si elle avait eu en sa possession une baguette et avait su s'en servir. Fort heureusement, ce n'est pas le cas. Ce n'est qu'une gamine prépubère qui n'a en ces lieux aucun pouvoir ; pas même celui de l'argent.

" Si vous réfléchissez ainsi, alors aucune baguette ne voudra de vous. Ce sont elles qui vous jugent digne ou non, et non pas l'inverse, mademoiselle Friscane. Oui, c'est un peu puéril de la provoquer ainsi, d'autant plus qu'il sait très bien que cela la fera réagir. Mais il est fatigué, et il a bien le droit de s'amuser un peu. Avec un sourire un peu goguenard, il vient soupeser la bourse. Combien il y a-t-il, là-dedans ? Oh, je crains que ce ne soit pas assez. Ni pour une baguette... Ni pour faire votre vérité. "

Bien sûr, c'est un autre mensonge, mais un mensonge sur lequel l'argent n'a pas eu de pouvoir. La bourse contient bien de quoi acheter au moins trois baguettes. Mais il commence à avoir une vision très claire de la baguette qui lui conviendra, ainsi que de ce qu'elle en fera à l'avenir.

Le vieil artisan paraissant entrer en plein monologue, Carol avait pensé bon de rectifier le mascara de son œil gauche à l'aide d'un élégant petit miroir qu'elle venait de sortir de son sac. Absorbée par l'application délicate de son maquillage, elle ne sorti de sa rêverie que lorsqu'elle l'entendit écorcher son nom. "L'enfoiré l'a fait exprès, il croit qu'il peut me battre à ce jeu là" songea-t-elle. Comme si cela ne suffisait pas, il enchaînait mensonges sur mensonges. Mais l'esprit sardonique de la petite blonde ne pouvait résister à la tentation de la douce vengeance. Instantanément lui vint en tête une terrible idée pour jeter l'opprobre sur celui qui ne cessait de lui manquer de respect. 


- Friscane... Prononça-t-elle en tremblant d'agacement. C'est tout ce que vous avez, pour me faire sortir de mes gonds ? La jeune fille poussa un petit rire aigüe et mélodieux. Moi j'ai ça. 

Brutalement, Carol se retourna et ouvrit en grand la porte de la boutique. Formant un porte-voix de ses deux mains, elle hurla de toutes ses forces d'une voix stridente et suppliante : 


- A MOI, ON M'AGRESSE ! DE L'AIDE !  

Dehors, les quelques passants qui profitaient des douces températures de cette nuit d'été s'arrêtent, interloqués, face à cette jeune fille qui appelle au secours dans l'encadrement de la porte de la boutique de l'inénarrable Ollivander. Ce dernier, visible depuis la rue, sagement posté derrière son comptoir, leur adresse un sourire et leur fait signe qu'il n'y a pas lieu de s'inquiéter. Alors, les passants, simplement, lui répondent par un sourire aussi, et tracent leur chemin sur les pavés de la grande rue, sans accorder plus d'attention à la petite blonde en détresse. Dans le dos de Carol, le vieil homme se laisse aller à, peut-être, un second monologue, sur un ton qui laisse aisément deviner l'air amusé qui se dessine sur son visage.

" Je travaille sur cette rue depuis que j'ai seize ans, Mademoiselle Frascone. Presque tous les sorciers de ce pays, de dix ans mes cadets, sont un jour passés dans mon humble boutique, tandis que si les autres ne m'ont pas connu moi, ils ont connu mon père, ou même mon grand-père. Il marque une pause, laissant le temps à la jeune fille de saisir où il veut en venir. Vous connaissez le pouvoir de l'argent, n'est-ce pas ? Dans ce cas, vous connaissez certainement celui de la notoriété. Si par chez vous, vous êtes une star, Mademoiselle Frascone, vous êtes ici chez moi, bien loin de l'Amérique qui vous a vue naître. Et ici, la célébrité, celui dont personne n'ignore le nom, ce serait plutôt moi. Vous savez mentir, mais vous ne savez pas encore bien tromper. La teneur d'un mensonge seule ne suffit pas ; il faut aussi savoir à qui on l'adresse. Navré de vous faire ainsi tomber de votre piédestal, jeune fille, mais j'ai bien peur que celui-ci... ne soit resté de l'autre côté de l'Atlantique. "

Qu'avait-elle donc pu faire pour que ce bourreau des âmes s'acharne tant sur la sienne ? Une douce jeune fille comme elle, victime de cet acharnement insensé ! Rouge de colère, Carol regarda le vieil homme avec les larmes aux yeux, des larmes d'une peine qu'elle ne simulait pas. Son visage angélique s'était alors déformé en une grimace mauvaise et menaçante. Pleine de rancœur, elle se jura de ne plus jamais subir une telle humiliation. Son monde était sur le point de s'écrouler. Sa raison même d'exister se voyait menacée par des craintes que le cruel personnage ne faisait qu'amplifier. Face à lui, impuissante, elle dût alors mettre à l'épreuve sa patience. Dès lors qu'elle possèderait enfin une baguette, son pouvoir ne s'en verra que décuplé ; peut-être alors pourra-t-elle se venger d'un vieil ennemi. "Ollivander, enfant de putain… Si je retiens ton nom, ce n'est que pour te faire payer !" pensa-t-elle. 

- Puis-je… m'assoir ? Demanda-t-elle en se radoucissant, alors qu'elle séchait une larme qui venait perler au bout de ses longs cils recourbés. Je suis épuisée, vous menez remarquablement bien la guerre. 

Voyant que le tourbillon d'émotions qui secouait la jeune fille s'apaise enfin, il sort sa baguette et la pointe vers l'arrière de la boutique. Puis, d'un geste rapide, il en fait venir un mouchoir en tissu blanc, semblable à un drapeau signant une trêve. Il le fait porter jusqu'à la jeune Frascone, pour que celle-ci puisse sécher ses larmes et se remettre de son tourment.

" Allons, séchez vos larmes, jeune fille, dit-il en la scrutant intensément de ses yeux clairs. En matière de guerre, vous n'êtes pas en reste non plus ; mais il semble que j'ai l'expérience de mon côté. Enterrons la hache de guerre, voulez-vous ? Je ne vous tiens pas rigueur pour votre attitude, alors soyez aimable, et pardonnez aussi mon égarement. Néanmoins, je pense désormais vous connaître assez pour savoir quelle baguette parmi les centaines que je possède verra en vous la parfaite maîtresse. Alors je vous en prie, prenez place, asseyez-vous, tandis que je m'en vais la trouver pour vous. "

Sur ces mots, il disparaît entre les innombrables rayons chargés de boîtes rectangulaires de son arrière-boutique. Elles sont, cette année, plus remplies que jamais : il a eu l'été dernier un arrivage important de baguettes dépossédées de leurs propriétaires, suite à un certain drame. La baguette qu'il a en tête fait d'ailleurs partie de ces orphelines. Il n'est pas bien long, tant il sait parfaitement où il va, et ce qu'il cherche. Il revient, avec entre ses mains une boîte classieuse d'un noir profond, qu'il dépose sur le comptoir avant d'en ôter le couvercle.

" Approchez maintenant, jeune fille. "

Avec un gestuelle délicate et respectueuse, il vient se saisir avec une certaine émotion de la baguette abritée dans son écrin noir de jais, qu'il observe avec des yeux humides, ayant une pensée pour son ancienne propriétaire. Si la composition d'une baguette en dit long sur celui ou celle qui la manie, il en va souvent de même pour son aspect. Et celle-ci semble aussi délicate et sophistiquée que sa future détentrice ; mais aussi tout autant sombre et aiguisée. De la fille comme de la baguette, il faut s'approcher avec précaution.

Curieusement, la colère de la jeune fille avait momentanément cessé. Fascinée par l'objet elle s'était approchée à pas feutrés, contemplant la baguette avec un émerveillement démesuré. Carol se retenait de respirer, comme si chaque expiration ferait disparaître un peu plus l'instant qu'elle était en train de vivre. Plus qu'un assemblage méticuleux de matériaux nobles, la baguette un ustensile de pouvoir, celui qui lui permettrait tant de choses ! Elle tendit la main avec prudence, et enroula ses longs doigts autour de l'objet duquel semblait se dégager une chaleur familière. Elle la fit tourner entre ses doigts ; son élégance n'avait d'égal que la noirceur de son bois, on eût dit la sculpture de l'âme de sa futur détentrice. L'énigmatique sourire qu'elle arborait habituellement apparu de nouveaux sur son délicat minois. 


- Quels secrets renfermes-tu... ? Souffla Carol à la baguette qui fourmillait entre ses doigts. 


Avec une longue inspiration, elle reproduit à la perfection le geste que l'artisan lui avait alors montré. 

Comme un extension naturelle de son bras, la baguette paraît soudain ne faire plus qu'un avec celle qui la manie. Entre les doigts de sa main, où elle semble presque en être le sixième, elle se glisse à la perfection, se loge dans le creux de sa paume comme la pièce d'un puzzle, le rouage manquant d'un mécanisme de destruction. Le pouvoir s'insinue en elle, coule avec son sang à travers ses veines, l'irradie d'une douleur a la fois exquise et diffuse. Une force si grande que son frêle bras se met à trembler sous le coup de la puissance latente qui appelle à se déchaîner. Par réflexe, et il fait bien, Ollivander se baisse prestement, alors qu'une pointe éthérée d'une teinte blanchâtre et lumineuse jaillit de la baguette avec fracas, projetant sa puissante lueur dans la boutique, pour venir se ficher à la manière d'une flèche en plein dans une étagère, y laissant un creux profond avant de se dissiper non sans étincelles. Du trou de l'impact noirci s'échappe une légère fumée, le bois ayant été quelque peu calciné par cet éclair de lumière.

Ollivander se redresse, observe la jeune fille avec étonnement, avant de se pencher sur cette pauvre étagère qui n'avait rien demandé. Et puis, il soupire.

" Il y a des fois... Ou je déteste avoir raison. Allez savoir s'il fait référence au choix de la baguette, ou au fait que comme il s'y était attendu, la jeune fille avait dirigé sa baguette dans sa direction. Vous convient-elle, Mademoiselle Frascone ? Parce que vous lui convenez, c'est certain. "