"Autant en finir vite..."
Une fois ici, le jeune homme commence par regarder les alentours. En vérité, il y a bien meilleur cadre que cet endroit... Ce lieux comme imprégné de douleur et de désespoir. Dans un sens, c'est très adapté au vu de ce qu'il ressent. Sauf que maintenant que le moment est venu, il hésite. Il a confiance en Bernard, là n'est pas la question. Ce qu'il a à dire est toutefois très difficile à avouer...
"Je ne sais même pas par où commencer... Par le pire ? Par le moins pire ? Est-ce que je dois tout te dire ? Edulcorer un peu ?"
L'adolescent se mure dans le silence tout en se tordant machinalement les mains, visiblement en proie à un grand stress. Soudainement, il se met à parler. Son débit de parole est rapide, comme s'il cherchait à se débarrasser le plus vite possible de ce qui le ronge. Sa voix, elle, semble fragile. Pleine de fêlures.
"Quelqu'un que je connais... Et non ce n'est pas moi... a tué un camarade de classe, il y a quelques années. Un meurtre qui est regretté, mais qui était volontaire. J'ai appris ça récemment, et jusqu'à présent, je n'en ai parlé à personne. Parce que cette personne... a eu une vie difficile. Sa mère est morte sous ses yeux. Et elle a fini en orphelinat. Malade et méprisée. Elle n'a connu que la violence. Celle qu'elle a subi, et celle qu'elle a fini par faire subir aux autres par peur. Par habitude. La dénoncer n'arrangera rien. Ca ne ramènera pas la victime. Mais si ça se sait, elle ira à Azkaban. Et là-bas, il n'y aura pas de retour en arrière. Pas de rédemption possible. Et je ne sais pas quoi faire. J'ai l'impression que peu importe ce que je fais, ce sera un mauvais choix."
L'indécision le draine petit à petit. Le poids du secret lui fait courber l'échine. Le poids DES secrets. Car ce n'est hélas pas fini.
"D'un point de vue plus personnel... J'ai du mal à accepter qui je suis. Ce que je suis."
Cet aveu a l'air tout aussi difficile à sortir que le précédent. Quand on y pense, tout ce qu'il dit à Bernard est répréhensible. Et il pourrait très bien se condamner lui-même. Quelque part, il espère peut-être une fin rapide à tout ça.
"Je suis... différent"
"Oui, bravo Capitaine Evidence. Continue de tourner autour du pot..." Se morigène t-il
Il ferme les yeux, les poings serrés. S'imaginant déjà l'épée de Damoclès qui danse au dessus de sa tête.
"Je suis... je suis attiré par les garçons et pas par les filles. Et ça s'ajoute avec le reste. Je n'aime pas ce que je suis. Je dirais même qu'en ce moment je n'aime pas ma vie, dans son entièreté. C'est comme si je m'enfonçais dans des sables mouvants, petit à petit, jour après jour. Sans que personne ne me voit me débattre. Sans que personne ne m'entende appeler à l'aide"
Comparé à ce qu'il a dit juste avant, ça parait si banal. Ou plutôt si inoffensif... Pourtant, le garçon en a gros sur le cœur. Il ne cherche pas à le cacher. Et c'est déjà beaucoup à supporter pour un adolescent de seize ans.
"Tu te rends comptes ? Il va y avoir un bal pour le tournoi des Trois Sorciers, et je ne pourrais pas m'afficher avec qui que ce soit. Pas de fête pour moi."
Il dit ceci avec une légèreté apparente. Comme s'il racontait une blague. Peut-être essaye t-il de détendre l'atmosphère qui s'est considérablement épaissie suite à ses révélations. Mais ça ne prend guère. Il est si stressé qu'il en a la tête qui tourne. Enfin, il se tait. Incapable de regarder Bernard, il demeure immobile. Les bras ballants. La respiration rapide et les yeux rougis. Il n'a plus grand chose à voir avec le garçon intrépide qui s'est lancé sans hésiter dans une périlleuse mission de sauvetage pour sauver l'âme de Bernard.