Une fois qu'elles se sont assises, il pose une main pesante sur l'épaule de l'une et de l'autre, et se penche entre elles à hauteur de leurs visages. Il les regarde tour à tour, avec un grand sourire amical. Son visage inspire une bonhommie factice, qui jure avec la poigne autoritaire qu'il exerce sur elles.
"
Parfait ! Je vous savais raisonnables. Surtout... Ne bougez pas. Je suis à vous tout de suite. "
Toujours d'une démarche distinguée, il se dirige vers un placard dont il se met à sortir tout un attirail pour le thé. Ce faisant, une tasse lui échappe des mains, et vient se briser sur le sol dans un grand fracas. En poussant du pied les débris sous un meuble, il marmonne quelques injures, qui sont soudainement coupées par un son glacial. Du premier étage, des sortes de couinements étouffés leur parviennent. Morgan se redresse, lève un regard mauvais vers le plafond.
"
Ce n'est rien. Encore ces maudits rats. Ça grouille, ça grouille, partout, dans les murs. "
Il se dirige alors vers un tourne-disque électronique poussiéreux qui siégeait dans un coin. En fredonnant d'avance, il le met en route, laissant s'échapper de la
musique classique d'un volume élevé, assez pour résonner dans tout le manoir et couvrir tous les bruits environnants. Les couinements étranges se perdent entre les cordes et les cuivres.
"
Voilà ! Un peu de musique, et c'est réglé. Plus rien ne devrait nous déranger, maintenant. N'est-ce pas agréable ? Alors... A... nous... trooois ! " s'exclame-t-il en rythme avec la musique.
Il revient près de la table, presque dansant, se prend une chaise et s'installe face aux deux élèves avec un air jovial.
"
Bien ! Au diable ce fichu thé. Nous avons assez perdu de temps. Je ne vais pas y aller par quatre chemins... D'un geste vif, il extirpe une baguette de sa poche, qu'il vient poser violemment sur la table dans un grand claquement menaçant.
Je pourrais vous tuer. Ça ne me prendrait qu'un instant. Il plante un regard devenu terriblement froid dans Saskia, puis dans Margaret... Avant de reprendre un air plus posé.
Mais je préfère vous accorder le bénéfice du doute. Malheureusement, rien ne me prouve que vous n'êtes pas des espionnes, que cette apparence innocente est réellement la vôtre. Comprenez bien que je dois me méfier. Je ne peux vous laisser vous échapper d'ici avant d'en avoir le coeur net. Mais avant de mener ce petit interrogatoire... "
Il tend son autre main vers l'avant.
"
Vous allez toutes deux me donner vos baguettes. " fait-il d'un ton qui ne laisse pas de place à l'objection. Une goutte de sueur vient perler le long de son front.
Le salon dans lequel elles se trouvent comporte deux fenêtres, toutes deux barricadées. La seule issue de la pièce est l'entrée par laquelle elles sont arrivées. Sur le chemin pour y parvenir, dans le couloir qu'elles ont traversé, elles ont pu voir qu'au bout de celui-ci se trouve une gigantesque porte, probablement l'entrée de la demeure. Et en face, tout à l'opposé, un escalier menant au premier étage. Il se trouve également dans ce couloir deux portes, aussi fermées l'une que l'autre, mais peut-être pas à clé.
Dans le salon, hormis la table et le tourne-disque, il y a peu de choses. Le vaisselier, qui semble contenir quelques plats, verres et autres éléments d'argenterie dans ses tiroirs. Sur un mur, une horloge est accrochée, bien qu'elle ne soit pas en état de marche à en croire le silence de ses mécanismes et la torpeur de ses aiguilles.
Dans l'entrée, une commode se trouve contre le mur de gauche, avec quelques babioles posées dessus, notamment des pots et bocaux vides. Le contenu de ses tiroirs reste un mystère. Adossé contre elle, un balai, qui n'a de toute évidence jamais servi à grand chose, étant donné l'état des lieux.