Une baguette ? Bien sûr, la baguette. Il avait raison, sorciers, magiciens, tous avaient une baguette, c'est de là dont venait toute la magie. Probablement l'élément le plus important de la liste, à n'en pas douter. S'ils devaient commencer quelque part, ce serait par là.
" C'est une très bonne idée, De Vignolles. Une très bonne idée que vous avez eu là, vous le savez ? Alors pitié, par pitié, cessez donc de vous montrer si hésitant à chaque fois que vous prenez la parole ! Votre prétendue pédanterie, passe encore, mais vous entendre bégayer de la sorte me met hors de moi. Si vous n'êtes pas sûr de quelque chose, alors ne dites rien, tout simplement, cela vaudra mieux. "
En effet, elle trouvait insupportable de devoir l'écouter parler ainsi, comme s'il prenait trois fois le temps nécessaire pour prononcer chaque mot. Son petit outil était défectueux, seulement elle n'en avait pas d'autre sous la main. Après quelques instants de réflexion, elle se dit qu'elle n'y était probablement pas pour rien : jusque-là, elle n'avait pas vraiment fait d'effort pour le mettre à l'aise. Si elle devait supporter sa compagnie, elle allait devoir y mettre un peu du sien pour rendre la chose plus facile.
" Veuillez m'excuser, mon cher, je m'emporte. C'est toute cette agitation, toute cette tension, je me sens terriblement tendue. Je vous sens mal à l'aise en ma présence, or vous n'avez pas à l'être. Elle lui fit un grand sourire, qui, en apparence, était extrêmement chaleureux. Après tout, nous avons le même âge, et venons tous deux de notre beau pays qu'est la France. La fraternité fait partie de nos valeurs, et quelque part nous partageons le même sang. Ne faites donc pas preuve de tant de timidité envers l'une de vos soeurs ! "
Pour la première fois depuis qu'ils s'étaient rencontrés, elle semblait sympathique, souriante. Très sympathique. Le changement de ton et d'attitude était cependant soudain et abrupt, et même si l'illusion était parfaite, ce revirement demeurait pour le moins étrange. Elle qui était si distante l'instant d'avant se montrait maintenant fraternelle.
Non loin d'eux, quelques jeunes sorciers sortirent d'une boutique, les mines émerveillées. Apolline leva les yeux et en lut l'enseigne :
" Ollivander, vous aviez dit ? Il me semble que nous sommes arrivés ! "
Sans perdre plus de temps, sans même faire semblant de prêter la moindre attention à la réaction de Charles, Apolline, désireuse de quitter l'allée principale, esquiva les jeunes sorciers en question pour pénétrer derrière eux dans la boutique. Une échoppe pour le moins désordonnée, sous le joug de la poussière et de la crasse, où chaque objet, meuble ou petite boîte semblait plus âgée encore que ce qui l'entourait, quand bien même cela semblait impossible. En prenant conscience de l'aspect insalubre de l'endroit - selon son jugement, Apolline se hâta d'essuyer la main qu'elle avait placée sur la poignée de la porte de la boutique, comme si de ce fait elle pouvait se débarrasser d'une quelconque infection.
Mais le plus dégoûtant à ses yeux restait encore ce vieillard dépeigné qui semblait l'attendre derrière le comptoir. Pour l'amour du Ciel, il fallait que ce soit un vieux croûton, probablement aussi sourd que sénile. En prenant bien soin de ne rien toucher, ou plutôt, que rien ne la touche, elle s'approcha du vieil homme, toujours parée de ce sourire de façade que lui inspirait son Charles de poche. Craignant que l'homme ait des troubles de l'audition, c'est presque en criant qu'elle s'adressa à lui :
" Je vous salue, mon bon monsieur ! J'ai ouï dire que c'était ici qu'il fallait se rendre, si nous étions à la recherche d'une baguette ? Une baguette. De sorcier. Pour la magie. "
La répétition, c'était au cas où oui, il était aussi sénile. Elle mima même le geste de la baguette. Elle avait probablement l'air très insultant.