Une Salle

Emily arriva elle aussi dans cette pièce, tenant désespérément sa baguette dans sa main et murmurant.


- Mais putain qu'est-ce qu'il t'arrive ?! Avis ! Periculum ! Aer Caelidus !

Bien sûr, les sorts n'eurent pas l'effet escompté et tout ce que la baguette laissa échapper furent quelques étincelles (même pas rouges), puis ce fut au tour d'Emily de laisser échapper un râle désespéré.

Une jeune fille au regard morne et aux cheveux d'ébène courts se tenait dans un coin de la pièce. Elle ressassait le contenu de parchemins aussi pompeux que profondément inutiles avec un zèle presque maladif. Elle envoyait voler les feuilles à mesure qu'elle les terminait sans rien trouver qui pût résoudre son odieux problème, et en déchira même une avant de purement et simplement briser une chaise d'un coup de pied. 

Son visage pourtant restait fermé, la colère ne s'y lisait qu'à un pincement à peine perceptible à la commissure de ses lèvres pâles, et bien sûr à son geste fort déplacé envers le matériel d'une école qu'elle ne respectait déjà plus beaucoup. 

Quelque chose avec elle était étrange. Son air taciturne peut-être, ses manières qui variaient sporadiquement entre celles de la noblesse de rang et celles des pires roturiers, ceux dont personne ne veut et qui voyagent sans chercher à établir de destination. Ou peut-être était-ce cette étrange impression qu'autour d'elle, l'air était plus froid, et ces frissons qui se faisaient ressentir derrière la nuque en restant à côté trop longtemps. 

Si la plupart des enfants la voyaient régulièrement en cours, elle était seule la plupart du temps, et ne parlait pas à grand monde. Certains prétendaient d'ailleurs l'avoir vue parler seule... Rien de bien rassurant à voir une possible schizophrène exploser du mobilier, même si les raisons de son courroux semblaient claires de par le lieu précis dans lequel elle le laissait éclater.

La frustration qui animait les deux jeunes filles n'était aucunement étrangères à ces lieux, c'était là même devenu le mot d'ordre. Enfermé heures et heures de jeunes sorciers que tout opposaient des heures durant dans une entente uniquement maintenu par un fragile espoir qui ne manquait pas de se faire piétiner, arracher encore, encore ne pouvait que créer un mélange des plus délicats. Et bien sûr, à ce dernier s'ajoutait l'omniprésente hantise qui infiltrait le cœur de tout un chacun, s'y répandait encore et encore plus loin et tenace, s'y imprégnait à son aise. C'est ainsi que s'expliquait l'implosion subséquente de cette coalition. 
Habités par l'acharnement, les peines, pour certains l'ire de leur prédécesseur les six élèves préoccupés par le futur qui se dessinait devant eux mais imperméable à l'affliction qu'il partageait avec leur pair furent bientôt rejoint par un septième larron. Annoncée par un cliquetis métallique à peine audible dans la cacophonie qui s'était emparé de l'esprit des occupants des lieux, une jeune femme, qu'il ne fait aucun doute s'était voulu discrète s'infiltra promptement par l'entrebâillement de la porte délicatement ouverte. A la vue du groupe, la nouvelle venue s'arrêta net et étira ses lèvres d'un sourire si forcée et si emplein d'embarras qu'il ne tromperait pas un aveugle en pleine nuit.

-Je peux vous aider ? 

Quand bien-même les raisons de leur présence sonnait comme une évidence, leur nouvelle interlocutrice, semblait décidé à les embarrasser de cette question presque impudente.

Emily, plus modérée que sa camarade chapardeuse, se tourna vers la nouvelle arrivante et prit à son tour la parole.


- Excuse la, elle est à cran, on l'est tous. En revanche, je la rejoins sur un point, si tu sais quelque chose à propos de ce bordel, ce serait d'une grande aide.

La petite Norah s'avança et pour seule phrase elle sortie de manière presque absente, en regardant le bazar qui c'était formé dans la salle. 

"J'ai perdu ma baguette"

C'était une 7ème année, peut être pouvait elle lui dire ou se trouvait sa baguette, puis il semblait y avoir des problèmes avec celles des autres très bien leur baguette avait elle toute disparu. 

- ... 

"Dit"-elle en lançant un regard bleu terne à la nouvelle arrivante. À vrai dire, elle lança le même à tous les autres. Dans son ire, elle s'était crue seule, même les voix de ses camarades n'avaient pas éveillé ses soupçons. Qu'avait-elle à ajouter ? Rien. Le silence était d'or dans les cas comme celui-ci. Elle laissa tomber les feuilles qui lui restaient dans les mains comme de vulgaires déchets, replaça la mèche défaite qui venait obstruer la vue de son oeil droit, et voilà tout.

Offusqué, par la soudaine explosion d'agressivité de la verte, l'arrivante se garda bien de lui retourner la pareille, en réalité, il parut bien vite évident à sa tenue, son regard fuyant et surtout au mouvement de recul qu'elle esquissa hâtivement par crainte de la furie qu'elle n'était pas de ceux dont aurait à craindre une quelconque agressivité. Bien au contraire, la brunette dont la courte coiffe s'arrêtait net à ses épaules et sur laquelle un chaos insondable régnait trait qu'elle et Norah ferait craindre être l'apanage des demoiselles Serdaigles, donnait l'impression de s'être instinctivement recroquevillé sur elle même. Si à l'opposé de sa taille dominante, son manque criant de présence ou même de cran avait pu trompé d'autres, l'estimation de Norah ne fut pas loin de la vérité. 


-Je suis désolée, bien sûr, j'aurais du savoir.

Contrairement à son sourire, aucune faute n'était décelable dans l'aménité qui se dégageait de sa voix, ainsi, certains, si concernés par la situation, purent reconnaître la jeune femme, l'une des premières touchés par "l'épidémie", première voir son catalyseur fanée, et sans doute aucun la plus acharnée dans cette quête qui avait l'espace d'un instincts liés tant d'âmes.


-Je...si je peux me permettre. Beaucoup d'élèves ont pu obtenir la permission de se procurer de nouvelles baguettes, et le temps en a guéri d'autres. bredouilla-t'elle.

- Et toi, qu'en est-il ? Ta baguette a été réparée par "le temps" ? 

Demanda-t-elle d'une voix étonnamment discrète.

Emily ouvrit la bouche, puis la referma. Bien sûr, la jeune fille n'y était pour rien, elle avait elle-même été touchée par ce mal, mais changer de baguette, c'est tout ce qu'elle a à leur offrir comme solutions ? Elle commençait, elle aussi, à ressentir cette rage pure qui semblait avoir déjà atteint ses camarades.


- Mais, ces baguettes nous ont choisi ! Elles nous sont propres, on ne va pas juste les changer, et attendre la St Glinglin ne va pas être d'une grande efficacité non plus ! Il y a forcément quelque chose que l'on peut faire pour les soigner ?!

Sinon elle-même, qui d'autres que la Serdaigle pouvait mieux comprendre la tragédie qui s'était emparé d'eux, le péril qui les guettaient à la perte de leur instrument, et pour les plus doux d'entre eux, la peine qui menaçait de surgir ? L'air menaçant de la Serpentard ne la mettait pas à son aise, son regard se faisait fuyant incapable de soutenir celui de sa prédatrice, néanmoins, cela était loin d'empêcher à la jeune femme de répondre avec toute sa sollicitude aux rares interrogations dont les réponse furent à sa portée.
 
-Ecoutez, il y a seulement les quelques jours, il y avait encore plusieurs adhérents ici avec moi, nous n'avons presque pas fait de progrès jusque là, ceux qui ont retrouvés l'usage de leur baguette son partie, les autres ont suivis.
 
Apaisée et soulagée, comme à chaque seconde où son regard ne croisait pas celui de la verte, ce fut, toujours bien blottie contre le mur proche de la porte qu’elle n’avait jamais réellement quittée qu’elle reporta toute son attention en direction d’Ariadna l'air grave. 
 
-Pour ma baguette, il ... N’y a plus rien faire. Le bois est fané, et le cœur ne répond plus. Bien-sûr, dans tout Poudlard, les gens comme moi se comptent sur une main, rien ne dit que ça vous arrivera.
 
 Là encore, malgré sa piètre tentative, elle ne réussit ni à dissimuler son chagrin, ni le sort qui guettait les élèves.

-Je, cela peut vous paraître étrange mais, récemment avez-vous, eu des songes ?

- F-fané ?! Le c-cœur mort ?! Et il faudrait rester là sans rien faire ?

Emily avait l'impression que quelque chose d'énorme se débattait dans son estomac pour en sortir. Sa baguette, sa fidèle compagne sur qui elle avait pu compter toutes ces années, fanée ? Et le regard de la première victime, chargé de tristesse et de chagrin, est-ce censé les réconforter ?! Puis, des songes, de quoi elle parle ?! Est-ce vraiment le moment de parler de rêves ?!


- Des songes ? N-non, enfin, à part ... Mais ça n'a aucun rapport ... Rien de nouveau ...

Les seuls rêves qu'elle fait, quand elle rêve, c'est ceux du livre, avec les corps et les asticots, mais ça n'était pas lié à toute cette histoire.