Couloir sombre

Celui ci s’approcha d’un pas nonchalant.
Haussant un sourcil, il répondit avec un petit sourire :

- Je peux te laisser seule si tu le souhaites.

Emily leva les yeux vers Otto.


- N-non, c'est bon, tu peux rester ... Je voulais juste éviter les autres Serpentards, mais un peu de compagnie me ferait du bien ... Pourquoi es-tu ici ?

Le jeune homme se souvenait jadis d’une Emily téméraire, complotant avec de fervents serpentards ; d’une Emily de bonne famille qui vouait une haine aux moldus. Éviter les autres serpentards ? Il s’était passé quelque chose chez la jeune fille, un changement de tempérament peut-être… mais celle ci n’avait pas l’air très heureuse, alors Otto resta avec elle.

- Moi ? J’ère sans but, et je sors de la salle commune… j’aime beaucoup ce couloir, son calme.

Puis il marqua une pause, semblant rire pour lui même.

- Tout vas bien Emily ?

Emily sourit faiblement, regardant Otto qui semblait intrigué.


- Oui, je ... ça va ... c'est juste que, je suis plus la même, et je veux pas être ce que j'étais en arrivant ici, cette Emily là était odieuse, remplie de haine, de chagrin, de peur, mais surtout, elle était solitaire ... Maintenant, j'ai une nouvelle famille, des amis, de vrais amis, des amis dont je sais que, peu importe leur sang, ils ne me laisseront pas tomber, donc si je dois apparaître aux yeux de certains tels que Richard comme une traîtresse, disons simplement que ça en vaut la peine ... J'étais un monstre avant, et un évènement cet été, et je ne parle pas de la coupe mais d'un autre évènement, m'a aidé à comprendre à quel point je détestais cette facette de moi ... Je ne m'attends pas à ce que tu comprenne, mais j'ai changé et j'ai de plus en plus de mal à me sentir à ma place au milieu de personnes comme Richard et Edward ... Etrangement, j'ai pas l'impression que tu sois comme eux ...

Otto n’aurait jamais cru ouvrir une telle conversation avec la jeune fille ; il faut croire qu’elle a besoin de se confier, pensa-t-il. Alors ce dernier, posa sa main sur l’épaule d’Emily et la regarda attentivement :

- Il y a, au fond de tous les cœurs, une part de nous qui ne nous correspond pas : cette « deuxième » Emily, on l’a tous nous aussi. C’est cette facette de notre personnalité intime qui nous empêche de devenir ce que l’on souhaite. Changer ça ne veut rien dire, parce que même si tu la déteste, elle fait partie de toi. Alors il faut se fixer un idéal, et tu sais Emily, qu’un qu’un idéal n’est pas atteint tout de suite : ça n’est qu’un objectif, tu as toute ta vie pour le réaliser !

Puis le garçon lui adressa un clin d’œil.

- Mais je ne me fais pas de soucis ! Si tu te rends compte qu’il faut combattre cette partie de toi, c’est que tu es déjà quelqu’un de bien.

Il commença a fouiller dans ses affaires, semblant chercher quelque chose de précis.

Emily sourit, reconnaissante à Otto de ce qu'il lui a dit, mais préfère changer de sujet.


- Qu'est-ce que tu cherche, si ce n'est pas indiscret ?

Otto se mis à rire doucement, et lui chuchota avec un air mystérieux :

- Un artéfact magique très puissant !

Il sorti de sa besace un parchemin et une plume, et les tendit à la jeune fille.

- C’est ce qui me permet de rester encore stable, tu vois… écrire.

Emily sourit, presque pouffa.


- Tu veux dire, une sorte de journal intime ? Tu pense que ça m'aiderait ?

La réaction de son interlocutrice était difficilement interprétable. Sans savoir si elle se moquait de lui, ou rigolait de surprise, le garçon fronça les sourcils.

- Je n’en sais rien, tu écris ce que tu veux ! Moi je fais des vers, de la poésie… j’essaye.

Emily vit Otto froncer les sourcils et comprit qu'elle avait sans doute fait une gaffe.


- Oh, je trouve ça super, désolée, je voulais pas me moquer, c'est juste que je ne m'attendais pas à ça, puis je suis pas très douée avec les gens, je voulais pas te manquer de respect ou quoi que ce soit. Et merci du conseil, j'y réfléchirais.

Voilà qu’elle semblait s’aplatir en excuses : certainement assez maladroite, suggéra-t-il ! Le garçon, quant à lui, se voulait tout sauf intimidant ; il repris avec sourire :

- Je t’en prie, ça me fait plaisir de voir que tu es réceptive. Garde ça pour toi, fais en une arme secrète !

Elle sourit.


- Merci. Dis, tu aurais pas un de ces poèmes par là, par hasard ?

Otto éclata de rire. Quelle lise l’une de ses compositions ? « Elle prendrait bien vite peur, c’est certain » se dit-il.

- Oh non… Enfin oui, mais tu partirais les jambes à ton cou !

Il se calma quelques secondes.

- C’est spécial… et personnel tu comprends ?

Emily sourit légèrement.


- Comme tu veux, si c'est trop personnel, je comprends, mais je ne prendrait pas mes jambes à mon cou, t'en fais pas.

Le garçon ricana gentiment : Emily ne savait vraiment pas à quoi s’attendre avec lui. Son exutoire concentrait l’essentiel de sa rage et de sa folie, tant et si bien qu’il devenait inquiétant de lire Otto. Il se contenta de lui rétorquer :

- On verra, quand tu me montreras ce que tu écris toi !

Emily pouffa à son tour, le garçon voudrait-il, pourrait-il lire ce qu'elle pourrait écrire sur sa vision dans le miroir et son autre personnalité apocalyptique sans la prendre pour une folle ? Non, c'était impossible.


- Disons simplement que nos écrits pourraient se révéler dangereux à lire.

Un sourire de satisfaction se dessina alors sur le visage de l’autrichien : Emily commençait à comprendre.

- Si nous nous débarrassons de notre dangerosité dans nos écrits, alors nous devenons inoffensif… c’est l’idée.

Emily ouvrit la bouche, comme si elle allait commencer à parler, mais se ravisa. Ce qu'elle s'apprêtait à demander au jeune homme était on-ne-peut-plus intrusif et privé, en plus d'être indiscret ... Pouvait-elle lui demander ça ? Après tout, s'il ne voulait pas répondre, il en avait le droit, que risquait-elle à demander ? Sa curiosité était grandissante, que cachait-il ? Elle hésita, puis ...


- ... c'est quoi ton problème ? Je veux dire, tu sais le mien, mais toi, qu'est-ce qui t'as fait écrire ? Qu'est-ce qu'il peut bien y avoir de si "dangereux" chez toi pour que tu puisse vouloir consigner tout ça dans des poèmes afin de t'en débarrasser ?

Elle avait l'air en pleine réflexion.

- Quelles noirceurs est-ce que tu cache ?

Et merde, elle avait pensé à voix haute ...

Otto était effaré par la soudaine intervention de son interlocutrice. Son visage s’assombrit ; le regard dans le vide, il frissonnait. Cette fille était décidément douée pour piquer là où ça faisait mal, une grande qualité pour l’autrichien. Avec difficulté il se mit à parler, sa voix était éteinte.

- Des choses, me mettent en colère… ma colère est, très instable. Je crois que… l’on m’a trahi, depuis toujours.

Il frémit, et regarda enfin son interlocutrice.

- Je découvre chaque jour un peu plus cette trahison. Je n’arriverais pas à parler davantage.

Emily prit un air interdit. Trahison, elle en savait quelque chose à ce propos ... Elle s'était sentie trahie durant une bonne partie de sa vie, trahie par son ministère quand ils ont tué son père, trahie par sa mère quand elle est partie avec un moldu et a connu une mort prématurée, trahie par sa communauté quand elle a été abandonné dans un orphelinat moldu, trahie même par Richard, bien que certains diraient, peut être à juste titre, que c'est elle qui l'a trahi ...


- Je suis désolée, bien sûr, je comprends, tu n'as pas à en parler si tu ne veux pas, mais si tu décide d'en parler un jour, ou si tu as besoin d'en parler, si écrire ne suffit plus, tu sais où me trouver ...

Écrire ne suffira jamais, pensa-t-il, mais je laisse une trace. Emily était certes parfois maladroite, mais semblait vraiment attentionnée. L’autrichien lui sourit chaleureusement.

- Je m’en souviendrais, je te le promets. Tu sais, je crois que tes proches ont de la chance de t’avoir !

Emily sourit et se leva.


- Merci, toi aussi tu es quelqu'un de bien. Bon, c'est pas tout mais je vais y aller, j'aimerais passer à la bibliothèque vite fait et après retourner à mon dortoir me reposer un peu. A la prochaine Otto!