Son sourire s'étira en même temps que la liste des reproches...
"Oui c'est très exactement ce que je disais, je suis un peu curieuse... Et vous autres un peu à fleur de peau."
Elle finit par rire franchement, et pas ricaner, simplement rire aussi naturellement que si on venait de lui faire une farce.
"Et puis devenir Animagus t'intéresse ? Tu es réellement curieuse de ce qui se passe quand on se transforme ? Faute d'avoir tenté de vivre ardemment tu peux passer ta journée à la bibliothèque que tu en sauras toujours moins que si tu avais pu l'expérimenter directement par toi-même au cours. C'est une question de remise en question du cadre qu'il te manque. Puisque que tu t'aventures à essayer de me décrire peut-être que je peux essayer d'en faire autant pour toi ? N'est-ce pas sage petite érudite ? Avide de reconnaissance, de bonne note à exhiber à ton papa et ta maman. Tout ce que tu dis, crois bien qu'on me l'a reproché et qu'on me le reprochera, comme on l'a reproché à d'autres qui veulent dépasser la méchanique d'ennui froide et fatale qu'on nous offre. "
Mathilde plonge son regard perçant dans celui de son interlocutrice et se met à lui parler le plus sérieusement et le plus calmement du monde, d'un ton glacial et impérieux.
"Mais il y a un coin où tu fais fausse route dans le discours qu'on t'a appris à bien sagement répéter. Oui on peut prédire. Et un jour je me ferai voyante. Mon apprentissage de prophétesse passera par un long, immense et raisonné dérèglement de tous les sens. C'est une chose que tu ne pourrais pas comprendre, ça passe par la remise en question de tous les faits établis. L'éprouvement de toutes les formes d'amour, de souffrance, de folie... Je deviendrai entre tous, la désignée grande malade, la grande criminelle, la grande maudite, - et la suprême Savante - car j'arriverai à l'inconnu ! Puisque je cultive mon âme plus qu'aucun. Les nouvelles idées viennent des personnes différentes, si tu restes dans l'insipide parcours qu'on a tracé pour toi tu ne connaîtras rien. Tu épuiseras les mêmes expériences que mille autres ont épuisé avant toi, tu ramperas pour le sourire de tes parents, tu t'effaceras implaquablement à chaque fois face à l'autorité de peur d'entâcher ta réputation, tu voudras devenir meilleure pour satisfaire d'autres, tu ne seras qu'une poupée malléable, qu'un pantin indigne d'intérêt à qui on fait miroiter du bonheur, à qui on dit ce qui est bien à qui on dit ce qui est mal. A qui on dit comment exister, à qui on dicte comment évoluer, et tu pourriras plus que tu ne vieilliras, tu t'enracineras dans tes illusions, tu ne comprendras même pas ce que tu rates."
Et elle délivre ensuite sa chère du poids de son regard. Frivole, elle ajoute en laissant retomber toute tension :
" Mais avant que tu ne gâches ce don précieux qu'est la liberté de le vie, que tu récites par coeur des discours d'indignation ou que tu tu comprennes que ceux qu'on te fait pointer du doigt comme méchants ne te veulent aucun mal si ce n'est au contraire te libérer... Tu ne veux pas plutôt aller prendre un petit thé en grande salle ? Moi ça me tente en tout cas."
Et de sa nonchalance légendaire, elle se lève en lui faisant un clin d'oeil.