Mignonette alors s'agenouille, et cesse un instant de chanter. Et pourtant, elle ne perd rien de son lyrisme, lorsque c'est en vers qu'elle répond au triton :
Je te salue Peuple Marin
Ne crains rien, sois serein.
Tu n’entendras dans mes arpèges
Ni feinte, ni ruse, ni piège.
Laisse-moi te raconter mes déboires,
Mes peines, mes tracas : mon histoire.
Celle de l’enfance dont on m’a délestée
Avec mes rêves, mes désirs ; ma liberté !
On a voulu que je sois moi Mignonette,
Belle, savante, bienséante ; en somme parfaite.
On a choisi pour moi tout un avenir
A m’enorgueillir, m’enrichir ; m’avilir !
Ils veulent que je sois faite du même bois,
Que je ne sois qu’or, argent et même soie.
Mais je ne désire rien de plus que le droit
D’être heureuse, d’être libre : d’être moi !
Pour cela je n’ai jamais cessé de lutter,
de m’indigner, me défendre, me révolter.
Aujourd’hui, vous tous pouvez m’aider,
A vivre, à respirer. A m’évader !
Si de ma voix vos coeurs se sont émus,
Je ne demande en échange qu’un modeste tribut.
Alors, la jeune fille éprise de liberté sort la fiole, et de sa baguette la fait voler jusqu'au bord de la glace, comme le ferait un humble musicien de rue avec son chapeau. Elle effectue alors une révérence, chose rare qu'elle ne fait que lorsqu'elle éprouve un profond et sincère respect.
Peuple Marin, je t’en prie, réponds à ma caresse
Et si tu le veux bien, verse-moi ton ivresse
Une larme de sirène, c’est tout ce dont j’ai besoin
Pour enfin suivre mon propre chemin.