L'une des raisons pour laquelle elle s'était éloignée de Michael, c'était pour le retrouver, ce masque qu'il s'obstinait à vouloir lui arracher avec un effrayant succès. Sans lui, elle n'aurait pu affronter Poudlard de nouveau, ni côtoyer tous ses ignobles camarades Serpentards aux mentalités si abjectes. Plus qu'une simple façade, c'est une véritable muraille, la seule capable de la protéger dans la solitude dans laquelle elle s'emmure au fond de ces cachots hostiles. Ce masque, elle ne sait pas l'enlever et le mettre à sa guise : c'est tout ou rien, et ce malgré elle. Si elle ne fait pas entièrement corps et esprit avec lui, elle ne parvient pas à lui donner assez de consistance et de crédibilité pour en faire une réelle protection.
" Non ! Je suis en colère ! Tu... "
Mais Michael ne l'écoute pas, il n'a pas terminé de vomir ces mots qui lui retournent l'estomac. Il ne lui laisse d'autre choix que d'écouter ce qu'il a sur le coeur. Alors, de nouveau, elle se tait, et finit par devenir aussi livide que lui. Ainsi, la famille de Michael est juive, tout comme son accent sonne allemand lorsqu'il est en colère. Apolline s'est assez penchée sur les récits des récentes guerre pour comprendre ce que cela signifie. Elle s'imagine sans trop de peine ce que lui et ses parents ont dû traverser. D'autant qu'elle sache, ce n'était pas quelque chose qu'il criait sur tous les toits. Cela lui avait-il simplement échappé sous le coup de la colère ? Ou bien avait-il voulu lui faire comprendre à quel point son attitude était aussi blessante qu'immorale, en la comparant au monstre aux millions de victimes, coupable de crimes contre l'humanité toute entière ?
Mais sa nature monstrueuse, Apolline en a parfaitement conscience. Et si elle l'accepte à contre-coeur, en revanche elle se sent bien coupable que cela fasse souffrir Michael. Elle le sait, ce garçon-là est différent, et après tout ce qu'il a fait pour elle, il ne mérite pas ça. Et c'est là, la deuxième raison pour laquelle elle ne l'avait pas approché pendant tout ce temps. Et pourtant, elle aimerait pouvoir être simplement son amie, laisser tomber ce fichu masque, et profiter d'avoir enfin trouvé quelqu'un qui tienne à elle. Et ce fut un peu le cas pendant un temps, alors qu'elle vivait chez lui, hors du monde. Mais maintenant qu'ils sont de retour à Poudlard, elle s'en pense incapable.
Après la tirade de Michael, un silence pesant s'installe. Apolline a les larmes aux yeux : elle est non seulement émue par les actes du Poufsouffle, mais aussi par son histoire. Sans oublier l'état déplorable, autant physique d'émotionnel, dans lequel il se trouve, et dont elle est en partie responsable. Mais ce sont aussi ses paroles qui la blessent : si elle se sait être un monstre, penser que Michael la considère comme tel la meurtrit profondément, quand bien même il a parfaitement raison.
Incapable de regarder le Jaune plus longtemps, elle croise les bras et lui tourne le dos, comme si cela pouvait rendre ce moment plus facile à supporter. Elle finit enfin par prendre la parole, sans colère, mais avec beaucoup d'amertume.
" Je sais que je suis un monstre, merci. Elle marque une pause. Et c'est bien pour ça... que tu n'avais pas à risquer ta vie pour la mienne. Comment peux-tu vouloir être mon ami, avec tout ça ? Alors que je suis aussi affreuse que celui qui vous a... Elle laisse sa phrase en suspens. Il est inutile de lui dire ce qu'il sait déjà. C'est ça, que je ne comprends pas. Tu es étrange, Michael. Tu n'es pas comme les autres. Tu es l'exception. Tu es fou. Mais tu ne me feras pas croire que tous les hommes sont comme toi. Il faut que tu comprennes que... Nous, les filles, nous sommes... plus faibles. Plus vulnérables, siffle-t-elle entre ses dents. Nous n'avons pas d'autre choix que de faire preuve de prudence, de méfiance, sinon... On a tôt fait de finir comme ma mère. Ce n'est un secret pour personne : les gens bons sont rares. Et les hommes bons, encore plus. La preuve : tu es le premier que je rencontre. "