Loin de chercher la rédemption d'une âme dont on le croit de toute façon dénué, c'est plutôt mû par la simple curiosité que l'homme aux mille crimes et cent visages se retrouve à arpenter solitaire les tristes côtes de cet îlot oublié. Il n'avait suffi que d'une seule lettre, adressée à son véritable nom, pour qu'il soit suffisamment intrigué par l'invitation. Un nom que lui-même semblait avoir oublié, et qui ne lui avait été rappelé que lors de son procès, quatre jours seulement avant son évasion. Quatre jours, c'est tout ce qu'il aura purgé pour des années de crime ; il n'est pas homme à payer de dettes. Il est le créancier, et le monde son débiteur.
Traînant derrière lui une sempiternelle fumée nocive comme peut l'être son être, n'abandonnant dans son sillon guère que des cendres, comme à son habitude, il ne laisse comme toujours que peu de traces dans le sable, alors qu'il se dirige vers le curieux attroupement qui semble s'être formé au coeur de l'île. C'est sans se presser, d'une démarche théâtrale à la fois noble et décontractée, qu'il s'en vient vers ceux qui, à première vue, ne lui semblent pas être enfants de choeur, parfaitement apprêté comme s'il se rendait à un rendez-vous galant, un sourire charmeur se dessinant autour de sa cigarette alors qu'il se trouve maintenant assez proche pour distinguer leurs visages atypiques. En signe d'humilité, d'une main il retire son chapeau noir et le porte, cordial, sur son coeur, avant de s'incliner légèrement en avant.
" Messieurs ! Madame. Je vous salue, et vous prie aussi d'excuser mon retard. J'en veux à la beauté mélancolique de ce lieu de m'avoir ainsi égaré. "
Pour lui, il ne fait aucun doute que tous, comme lui, ont été conviés en cet endroit désertique. Déduisant par leur attitude que le mouchoir tenu par l'elfe de maison se trouve être un portoloin, il vient à son tour apposer sa main sur le tissu.