- La rencontre -

Voilà un moment que Christie avait envoyé une multitude d'enveloppes à de nombreuses  adresses à travers la Malaisie, des infrastructures militaires pour la plupart, des adresses obtenues grâce à la coopération d'une connaissance d'Arthur dont le père était un militaire haut-gradé. Le pays connaissait en cette période de grands bouleversement politiques, en effet, depuis 1948 était déclaré par le gouvernement colonial britannique l'état d'urgence malais contre l'insurrection menée par l'armée de libération des peuples de Malaisie, mouvement issu du parti communiste malais face aux débâcles économiques sous la Fédération de Malaisie.

Toute cette situation politique n'intéressait guère la Gryffondor en quête de famille, d'un parent, peut-être deux avec un peu de chance. Pourquoi la Malaisie ? Bien c'est Michael qui l'a deviné à travers son don de voyance. Il n'en fallait pas plus pour que l'adolescente aux cheveux cendrés retrouve espoir, si ils étaient en Malaisie, elle retournerait la colonie britannique de fond en comble pour les trouver. Elle n'était pas prête à quitter Poudlard, mais elle se voyait déjà troquer sa robe de sorcière contre l'uniforme du WRNS (la branche féminine de la Royal Navy). Elle s'était déjà renseigné sur le sujet et c'était une éventualité qu'elle n'écartait pas, puisqu'elle n'avait pas grand espoir que ses lettres reçoivent un jour une réponse ni même qu'elles arrivent à destination.

C'est à une heure matinale d'une journée d'été comme une autre, alors qu'elle se trouvait au Quartier Général de sa meute qu'elle découvrit un courrier qui lui était adressé, sans plus de cérémonie elle ouvrit l'enveloppe puis déplia le papier qu'il contenait avec une certaine hâte. Son contenu, une simple adresse, une date et une heure : le 24 juillet 22h, l'adresse était celle d'un pub de l'East End, au nord de la Tamise. Un sourire délicat se dessine sur ses lèvres, elle pensait bien avoir compris de qui venait cette lettre, elle la rangea rapidement et n'en parlerait à personne. Elle ne souhaitait pas que ça lui porte malheur, il lui arrivait parfois d'être superstitieuse.


Les jours qui suivirent étaient relativement calmes et lents, Christie était dans l'attente, elle s'était interdit la boisson jusqu'à la rencontre, avait retrouvé la sobriété et s'était offert une jolie robe blanche, le bout de tissu le plus cher qu'elle ai payé de toute sa vie, mais c'est ce qu'elle porterait pour cette occasion si importante à ses yeux, ainsi que des escarpins avec lesquels elle s'entraînait à marcher en cachette. Elle voulait être parfaite, elle le serait, une fille qui rendrait fier n'importe quel parent, voilà tout ce qu'elle visait. Elle mettrait tout en œuvre pour l'être pendant les jours qui suivraient.

Le grand soir était enfin là, elle s'éclipsa du quartier général, ses affaires dans un sac en toile. Christie s'isola dans une ruelle, seule elle se changea, se maquilla et effaça sa cicatrice d'un coup de pinceau. Elle serait parfaite, elle ne l'avait jamais autant été, c'était une autre femme qui quitta la ruelle, parfumée, élégante, soignée et coiffée. L'adolescente aux cheveux cendrés était tout simplement méconnaissable. Elle se pressa ensuite de rejoindre l'adresse qu'elle avait reçu chaque pas la rapprochait de ce qu'elle avait toujours désiré depuis aussi longtemps qu'elle s'en souvienne, elle touchait enfin ce moment du bout des doigts. Elle allait tout simplement vivre les instants les plus importants de sa vie.

C'est en avance d'au moins une bonne demie heure que Christie fit son entrée dans le pub. Après avoir poussé les portes de l'établissements bien  peu peuplé, l'adolescente s'installa à une table isolée et commanda un simple jus d'orange, elle ne boirait pas une seule goutte d'alcool avant la rencontre. C'est ainsi qu'elle attendait, les minutes passèrent et le temps devenait insupportablement long, et visiblement la personne qu'elle attendait commençait à accuser un sacré retard, elle commençait à se retourner l'esprit dans tous les sens, se demandant tantôt si l'alcool ne lui avait pas joué des tours, si ce n'était pas un camarade à elle qui lui faisait une mauvaise blague ou bien si elle n'avait pas tout simplement halluciné.

Ce n'est que lorsqu'une silhouette surmontée d'un chapeau fit son entrée dans l'établissement que ses doute s'évanouirent en un battement de cil. Elle l'observa comme subjuguée, elle le savait, c'était lui. Elle le regarda approcher sans dire mot, son coeur semblait avoir manqué un battement tant il s'était affolé. L'homme au chapeau tira la chaise lentement puis s'y installa, en face de Christie.

- Papa.

Souffla t-elle tout doucement mais sans une once d'hésitation, Christie avait toujours rêvé de prononcé ce simple mot qui pourtant signifiait énormément pour elle, un mot qu'elle n'aurait pu dire pour la première fois qu'en cette seule et unique occasion, une palabre qui lui semblait maintenant toute naturelle face à l'homme qui se tenait devant elle. Ce dernier laissa passer un long silence avant de retirer son chapeau d'un geste lent et contrôlé, il le posa sur la table puis soupira. Christie qui était jusque là sans voix se contenta de l'observer. Ses yeux d'un bleu pâle exprimait un vécu, il avait le regard de ceux qui se sont érigé face à de nombreuses épreuves, le même que celui qu'avaient les hommes au retour de la guerre, pourtant elle la voyait, l'étincelle, elle était toujours là, intacte, et le regard de la Gryffondor y était accroché, elle voulait l'imprimer dans sa mémoire à tout jamais. L'homme sortit de la poche intérieur de sa veste de costume une boîte à cigare, il prit son temps pour l'ouvrir, sélectionna un cigare puis le coupa. Enfin il put l'apporter jusqu'à ses lèvres, pour finir il en embrasa le bout à l'aide d'une allumette. Un tel cigare devait se savourer. Ce n'est qu'après avoir expiré la fumée une première fois qu'il se décidait de parler.

- Non.

Fit t-il simplement d'une voix rude, Christie haussa un sourcil, elle ne comprenait pas. Avait t-elle fait quelque chose de mal ? L'avait t-elle déçu ? Sa main se mit à trembler alors qu'elle attendait une explication à la négation de son père.

- Ne m'appelle pas ainsi. Tu n'aurais pas dû naître, mais nous t'avons donné la vie. Alors fais en ce que tu veux mais oublie nous. Tu te rendras un grand service. Adieu Christie.

Déclara l'homme avant de se lever et de quitter cet infâme pub, sans un mot de plus, laissant derrière lui son chapeau, la boîte de cigare, celui encore fumant reposait dans le cendrier, ainsi que sa fille, face à cette table, il venait de l'abandonner, pour la seconde fois. Que dire de cette pauvre fille dévastée qui tenta de tendre la main comme pour le rattraper, en vain évidemment. C'est son monde et ses espoirs qui venaient de s'effondrer, elle peinait à respirer, l'adolescente venait de prendre un coup de couteau en plein coeur.

La suite était assez prévisible, elle commanda la gnôle la plus forte, plusieurs fois, trop de fois, puis fut chassée par le tenant du pub au milieu de la nuit, elle erra sans but avec en elle une immense colère qui ne demandait qu'à sortir, c'est là qu'elle tomba dans un coin de rue sur une barre en métal, l'occasion était trop belle, elle s'en saisit puis se mit à briser les vitres qu'elle croisait et à taper sur les bagnoles, en larmes, hurlant sa colère au ciel comme si elle voulait provoquer une réaction du Tout-Puissant. Inévitablement, le triste spectacle avait attiré quelques spectateurs certains la regardaient méfiants et n'osaient pas l'approcher.

- QU'EST-CE QUE VOUS REGARDEZ BANDE DE MERDES !? VOUS AVEZ PAS AUTRE CHOSE A FOUTRE VOUS VOULEZ QUE JE VOUS CASSE LA GUEULE !?

Cria t-elle à qui voulait bien l'entendre. C'est à ce moment là qu'un ivrogne de l'autre côté de la rue se mit à lui répondre avec un aplomb étonnant venant d'un type comme lui.

- Essaye un peu hé connasse !

- T'AS DIT QUOI FILS DE PUTE !?

Elle retira ses escarpins et les balança en direction de l'imprudent avant d'écraser la barre de fer au sol de toute ses forces à plusieurs reprises pendant que l'autre ivrogne continuait de la provoquer. C'est ensuite un pavé qui passa au dessus de la tête du pauvre homme. Puis un suivant qui traversa une fenêtre à côté de lui, l'ivrogne qui n'avait pas envie de se prendre un pavé dans la tronche utilisa la technique du "moi me sauve", il prit donc ses jambes à son cou.

- OUAIS CASSE TOI ENCULE ! VOUS AUSSI CASSEZ VOUS ! CASSEZ VOUS TOUS J'VOUS DETESTE !

Fit t-elle en lançant d'autres pavés sans grande précision en direction des curieux. La furie que Christie était devenue continua d'avancer détruisant ce qui se trouvait sur son passage tel une tempête déchaînée. Son chemin de destruction s'arrêta enfin lorsqu'elle arriva au bord de la Tamise. Suffoquant sous le poids de son mal-être et de sa douleur que l'ivresse de l'alcool n'avait pas suffit à apaiser, elle entendit un miaulement venir de derrière elle et y répondit comme si elle avait comprit le chat.


- Ouais j'sais, la vie est une belle salope. Maintenant va voir ailleurs si j'y suis.

Souffla Christie avant de lâcher la barre de fer, elle se jeta ensuite dans l'espoir de se libérer de son immense chagrin. Si l'alcool ne suffisait plus à noyer tous ses maux, alors le fleuve s'en chargerait.