Tonton est mort. Ça fait déjà une semaine ou deux. Robert a reçu personnellement un hibou l'invitant à son enterrement. Son enterrement ? Lui qui pensait que plus personne ne se préoccupait de lui.
Le lieu d'enterrement est à Suarach, un village semi-magique à quelques kilomètres de son manoir familial en Écosse. Ne voulant pas paraître irrespectueux auprès de ses proches, le jeune Travers s'est vêtu d'un complet noir et est venu. Il semble que les organisateurs de cet enterrement ont mal choisi le jour. Le village était plongé dans un épais brouillard. Ce n'est pas idéal pour une première visite. D'autant plus que ce village est particulièrement austère. Les maisons paraissaient à moitié abandonnées et les quelques locaux ne semblaient pas très hospitaliers. Ils le dévisageaient d'un regard sévère ou fuyant, au choix. Le vent matinal chatouillait son visage et partout où elle pouvait se frayer un chemin dans ses vêtements. Il régnait ici une atmosphère particulière.
Il arrive au cimetière après quelques minutes de marches. Le cimetière était délimité par un muret à moitié en ruine et recouvert de mousse verte. L'accès au cimetière consistait en une arche d'entrée tout aussi négligée que les murets. Aucun portail ne semblait garder les lieux. Robert regarde à droite, à gauche, derrière lui. Il n'y a personne d'autre que lui et ce cimetière semble être le seul de ce village. Soit. Trouvera bien ce qu'il trouvera. En franchissant l'arche d'entrée, il aperçoit au loin comme une silhouette fantomatique dans le brouillard. Il regarde de nouveau autour de lui, toujours personne excepté cette silhouette.
Le jeune homme s'en approche et la vision devient plus claire. Il découvre le maître de cérémonie du ministère. Celui-ci regarde sa montre à gousset avant de porter son regard sur Robert. « Vous êtes seul ? » questionne le maître de cérémonie. Robert répond positivement d'un hochement de tête. Il y avait une luxueuse stèle funéraire neuve installée sur laquelle il était inscrit :
« Ci-gît notre regretté
Torque Travers
1889-1956
Reconnu pour son efficacité et son sens de la justice
Auror médaillé
Ancien membre du Magenmagot
Ancien directeur du département de la Justice magique
Ancien directeur de Poudlard »
Robert se dit que c'est un lieu d'enterrement assez étonnant pour une personne "regrettée" et "reconnue". En face de la stèle il y avait un trou étroit où une tête pouvait à peine passer. Juste à côté il y avait une urne funéraire. Les cendres de Torque ont, semble-t-il, étés rapatriés. Le maître de cérémonie commence son discours. Le même maître de cérémonie qui célébrait un mariage pas plus tard qu'hier, célébre aujourd'hui les funérailles d'un homme dont plus personne ne se souciait.
Le jeune homme se demande alors si il est censé être triste ou du moins ressentir un peu de peine. Il ne ressent rien, ni à l'intérieur, ni à l'extérieur. Ses yeux sont secs et sa respiration est normale. Pendant le discours du maître de cérémonie, il se surprend à bailler. Il se dit qu'il n'aurait peut-être pas dû mais même le maître de cérémonie ne semblait pas s'en soucier. Personne n'est venu, qui peut bien lui en tenir rigueur ?
Le maître de conférence termine son discours. Il salue Robert d'un hochement de tête et s'en va. Le jeune Travers se retrouve seul au milieu de ce cimetière abandonné face à la tombe de son oncle. Il regarde autour de lui et il ne semble y avoir aucun fossoyeur dans les environs. Alors il prend l'initiative de se saisir de l'urne funéraire et de la laisser tomber au fond du trou. Il y est peut-être allé un peu trop fort, l'urne s'est fissurée à l'atterrissage. Juste à côté il y avait une pelle plantée dans la terre. Il la prend et rebouche vite-fait le trou.
Puis il repart silencieusement, sans aucun dernier mot ni même une petite larmichette pour son oncle. Personne n'allait lui en tenir rigueur de toute manière.