Les élèves se bousculaient dans le couloir, dans un chahut informe et incompréhensible, cherchant la cabine des copains ou la meilleure place, celle que l'on disait être visitée par la dame aux bonbons en premier, ou tout autre histoire puérile et amusante qui se racontait chaque année. Les regards moqueurs, qu'ils fussent le produit de la paranoïa de Margaret ou une réalité, lui semblaient pleuvoir... Jusqu'à ce qu'une silhouette vint se détacher de la foule. Une silhouette fine et froide, cette exacte silhouette que Margaret ne voulait voir.
Elle était grande, si grande. Cela avait toujours été le cas, Saskia surplombait même la plupart des garçons de son âge, mais avoir été humiliée par elle ne pouvait qu'accentuer cette impression de hauteur méprisante, d'être vue de haut, à peine considérée.
Elle avançait à contre-courant, et contrairement à Margaret qui se voyait jeter l'opprobre, elle n'inspirait de son côté qu'un mutisme respectueux. Avant d'être championne, Saskia était redoutée, et maintenant que la rumeur courait, certains petits commençaient à avoir des étoiles dans les yeux lorsqu'elle passait devant eux, sans oser lui parler. Seuls des murmures accompagnaient la tsarina et son air impérieux, qui amena avec elle le silence et fit stoper la plupart des mouvements quand elle s'arrêta l'instant d'une seconde devant Margaret.
Tous les regards étaient plantés en elles, voyeurs et désagréables, tous tournés vers Margaret qui se faisait dominer de tout son long par la serdaigle aux cheveux d'or et à l'aura boréale. Elle esquissa un sourire, à peine perceptible, qui quoi qu'il eut voulu dire parut odieux et méprisant aux yeux de la bête noire des Roy.
Sans rien dire, Saskia reprit alors son chemin. Il ne s'était passé qu'un instant, mais aux yeux de Margaret il s'était déroulé une éternité. Tout autour d'elle, les regards continuaient de la fixer comme des charognards, reprenant lentement leurs activités.