Sept. C'est le nombre exact de fois où Apolline a tenté de mettre fin à ses jours au sein de l'hôpital. Non, les mots n'ont pas aidé, et les psychiatres ne sont par parvenus à l'atteindre malgré tos leurs efforts. Il faut dire que sur quatre, trois d'entre eux étaient des hommes. Une erreur grossière, mais ce n'est pas là la seule négligence de la part de l'hôpital. Ils l'ont d'abord laissée dans cette chambre, tout à fait libre de ses mouvements. Tout à fait libre donc, de se saisir de ses draps et d'entreprendre de se pendre avec. Alertés par son voisin de chambre, les membres du personnel sont parvenus à la sauver à temps.
Elle a alors été vêtue d'une camisole de force, et sa surveillance s'est vue renforcée. Rien toutefois qui n'ait été capable de diminuer sa détermination d'en finir avec la vie. Ayant remarqué un bout acéré dépassant du sommier métallique de son lit, elle est parvenue - lors d'un inévitable moment d'inattention - à se laisser tomber dessus avec assez de poids et de précision pour s'entailler profondément la gorge. Là encore, elle fut sauvée de justesse. Ont alors été retirés tous les objets dangereux, coupants et pointus de la chambre, de sorte à ce qu'elle ne puisse plus se blesser. Mais encore une fois, cela fut insuffisant : elle a alors tenté de se fracasser le crâne à plusieurs reprises, simplement en le frappant contre un mur.
Son état mental, loin de s'améliorer, se dégradait même davantage au fur et à mesure des jours passés confinée dans cette chambre. Désormais à court d'autre solution, ils ont fini par la sangler au lit, ce qui d'ordinaire se fait très rarement au sein de l'hôpital. Mais là encore, cela ne l'a pas empêchée de trouver un moyen d'attenter à sa propre vie. Elle a d'abord tenté d'avaler sa propre langue, puis, n'y parvenant pas, l'a finalement sectionnée à l'aide de ses dents. Et ce, sans rien laisser paraître, si ce n'est l'humidité dans ses yeux. Elle est restée la bouche close, le visage de marbre, alors que sa gorge s'emplissait de son sang. Ce n'est que lorsqu'elle a fini par perdre connaissance et que sa mâchoire s'est relâchée, laissant le liquide carmin se répandre sur le lit, que les soignants s'en sont rendus compte.
Dos au mur, voyant que la situation empirait malgré les moyens mis en oeuvre pour lui venir en aide, les médecins ont alors décidé d'employer des méthodes plus extrêmes. Lorsqu'un membre est trop endommagé, trop rongé pour être soigné, alors mieux vaut-il l'amputer. Il en va de même pour l'esprit. Assommée à l'aide de sortilèges d'électrochocs, son esprit amputé à coups d'oubliettes, l'Apolline qui en voulait au monde entier presque autant qu'à elle-même est aujourd'hui détruite, brisée. D'elle, il ne subsiste que peu de choses, son esprit n'étant plus qu'un maelström de pensées confuses auxquelles elle ne comprend plus rien. Désormais apathique, elle n'a plus la volonté de mettre fin à ses jours, plus de volonté tout court. Il ne sert plus à rien de l'attacher tant elle passe ses journées amorphe, allongée sur ce lit qui a vu son esprit mourir.
Si Michael venait à lui rendre visite, peut-être son père l'en dissuaderait, avant de lui expliquer que l'Apolline qui se trouve ici n'est plus elle-même, n'est plus celle qu'il a connue. Peut-être se confondrait-il en excuses, bien qu'il ne soit responsable de rien, pour ne pas avoir pu la guérir autrement.