Salisbury's Grocery Store

Il pénétra dans l'échoppe aux côtés de la soviétique.

- U-Un plan ? N-Non.. J-Je vais simplement essayer d'économiser pour le leur racheter..

Au vu du peu de pécune qu'il percevait sporadiquement de son oncle, probablement devrait-il se tourmenter pendant un millénaire avant d'obtenir la somme nécessaire à une telle entreprise. Sans nul doute que Charles le savait au fond de lui mais préféra se mentir à lui-même.

Malheureusement pour les douces illusions dont se berçait le garçon, Saskia lui mit un gros coup de pied de réalité en plein visage. 

- Tu peux économiser encore longtemps, ils vont certainement vendre ça à un prix exorbitant. Elle sera vendue d'ici à ce que t'aies la somme. À part si tu la vole ou que tu trouves un truc pour leur faire gagner encore plus de fric, tu peux lui dire adieu.

Elle l'observa longuement, dépitée par son attitude. Mais à l'inverse de Charles dont l'état avait bien empiré depuis le début de leur conversation, elle, semblait aller mieux. Ces histoires la tenaient loin de ses pensées moribondes, ce qui lui permettait l'espace d'un instant de retourner à son état normal. 


- Bon t'as besoin de quoi ? Tu sais cuisiner au moins ? 

Demanda la soviétique en désignant les rayons de l'épicerie.

S'il voulut continuer de récuser la perte définitive de la bague, les propos percutants de la soviétique l'en empêchèrent.

- J-Je.. j-je trouverais bien quelque chose.

Marmonna-t-il d'une voix ruminante. Lui-même n'y croyait plus, toutefois.

- C-Cuisiner ? P-Pas vraiment.. C-Contentons-nous de prendre à manger pour Mercure.

Il reporta son attention sur le volatile. L'image qui s'offrit alors à lui, de la bête coquebine endormie, lui mit un peu de baume au cœur.

- T'es débile ou quoi ? Si tu crèves de faim dans ta chambre, personne sera là pour le nourrir et t'enverras pas des masses de lettres, gronda-t-elle, presque furieuse à cause de la déconnexion avec la réalité de Charles. 


Elle se mit à attraper nonchalamment des boîtes de conserve au hasard, et à les fourrer dans un grand sac de tissu prit dans un rayon adjacent. Elle ajouta à cela un ouvre-boîte et quelques fruits, en somme de quoi tenir pendant quelques temps sans pour autant manger comme un roi. De toute façon, il n'allait pas réussir à cuisiner des plats bien complexes, et elle n'avait pas assez d'argent pour lui fournir grand chose non-plus. Elle termina sa sélection en jetant rageusement un paquet de nourriture pour chouette dans le sac, et se dirigea vers la caisse pour régler les achats tout en expliquant à Charles. 


- Tu ouvres, tu fous dans une casserole, tu fais chauffer en vérifiant que ça brûle pas et en remuant. T'es capable de faire ça sans incendier la moitié de Londres ?

Il recevait les remarques tançantes de la soviétique avec apathie, et ne corrobora ces derniers que d'un veule hochement de tête. La bague accaparait toutes ses pensées et le plongeait dans des affres de culpabilité terribles. La question piquante de son amie réussit toutefois à lui arracher un sourire et parvint à le sortir - légèrement - de son état amorphe. Ledit sourire toujours sur ses lèvres délicates, il répondit de son usuelle voix placide.

- O-Oui Saskia.. J-Je ferai attention..

- Bien. 

Elle déposa quelques pièces sur le comptoir, échangea trois mots avec les vendeurs et flanqua le sac dans les mains de Charles immédiatement après. Il était lourd, et déjà qu'elle devait presque lui servir de mère, elle n'allait pas non-plus lui servir de mule. Qu'il se débrouille avec cela. Elle l'entraîna ensuite dans la rue hors de la boutique. 


- Du coup, tu trouves quoi pour ta bague ?

Il ne réussit à tenir le sac entre ses frêles mains qu'avec grande pénibilité, mais ne dit mot. La soviétique avait déjà bien assez fait pour lui, et la lourdeur de la marchandise ne rivalisait de toute manière aucunement avec celle du faix qui lui pesait sur les épaules.

- M-Merci Saskia..

Dit-il d'une voix dont il tenta tant bien que mal de cacher le caractère larmoyant. Les larmes cherchaient à lui monter aux yeux, mais il s'y opposa de toutes ses forces. Il savait qu'elle était loin d'être friande de ce genre de spectacle.

- La bague..? R-Rien de nouveau.. M-Mais pas la peine de t'en faire, ç-ça ne presse pas. D-Dans le pire des cas, ç-ça me servira toujours de leçon.

Répondit-il d'un ton par lequel il tenta de singer la sérénité.

- Ben si ça presse, ils vont pas attendre cinq ans pour la vendre. Mais enfin c'est comme tu veux, moi j'vais pas prendre des risques pour rien. 

Répondit-elle d'un ton las, avant de se mettre à observer les passants dans la rue. 


- On devrait aller déposer ça chez toi, déjà.

- O-Oui.. A-Allons-y, c'est par là.

Dit-il en élançant son doigt vers une certaine direction. Ils se mirent ensuite vers le logement du français.