Louise sourit avec amabilité.
- Je ne serais pas venue si c'était là ce que je croyais...
Puis elle de tût, laissant le soin à Michael de se plonger dans ses lignes. Le jeune homme ne sut guère trop penser de ce qu'il voyait, les mains de Louise lui parurent tout d'abord normales, mais à leur contact il se mit à ressentir quelque chose de beaucoup plus cryptique, de beaucoup plus inhabituel.
Il comprit tout de suite qu'elle n'était pas plus facile à lire de cette manière là qu'elle ne l'était par sa gestuelle, son timbre et ses mots, quelque chose semblait bloquer, il ne parvenait pas à voir quoi que ce fut de limpide. Il ne perçut pas rien pour autant.
Cela commença par des sentiments, qu'il ressentit comme s'ils étaient siens. Des sentiments extraordinairement forts, et surtout strictement opposés les uns avec les autres, contradictoires, presque violents, il se sentit habité d'une bataille intérieure, d'un chaos grondant. Une joute avait cours dans son coeur, entre une sorte d'amour presque inconditionnel, du genre de bonté naturelle qu'éprouvait une mère envers sa progéniture, et une haine indicible, palpable, tournée envers lui-même et qui par moment, éclatait tellement fort qu'elle se tournait contre le monde tout entier. Un désir de protéger, de chérir, et un venin perfide qui lui dévorait les entrailles et lui donnait une irrépressible envie de se faire du mal, de se pourrir lui-même, et venait teinter de sa désolation tout ce que cet amour débordant avait fait auparavant. Il ressentit une tristesse extrême, un désespoir, qui parfois à l'aune des beaux jours, se muait en un bonheur indescriptible, en une irradiante sérénité. Il avait l'impression d'être un perpétuel amoureux, un romantique passionné qui passait d'un instant à l'autre du plus beau au plus laid, d'une passion à une autre, sans pouvoir s'en empêcher, et sans jamais toucher du doigt ce que l'on appelait "demi-mesure". Il ne se sentit pas un seul instant investi de véritables mauvaises intentions envers autrui, plutôt l'inverse pour tout dire, mais il sut immédiatement que sa quête d'amour maladive et irrationnelle était si démente qu'elle représentait un danger pour lui-même, un danger mortel, qui pouvait aussi affecter ceux qu'il chérissait du plus profond de son âme.
C'était une expérience complètement bouleversante, qu'il ne pouvait pas vraiment souhaiter à quelqu'un d'autre de vivre, une expérience qui inspirait tant la compassion que la répulsion. Il commençait cependant à y voir plus clair, et une petite araignée lui apparut, une malmignatte, aussi dégoûtante qu'inexplicablement fascinante. Tout se rompit alors. Le don cessa de s'exercer, car il requérait une concentration que Michael ne pouvait plus maintenir tant il était secoué de tous les côtés par ce qu'il ressentait. Il sursauta, lâcha les mains de la jeune femme et se retrouva à nouveau dans ce bar bondé, où personne ne prêtait attention à lui, le front perlé de sueur et le regard de Louise plongé dans le sien.