La volière

Morgane était sur le chemin de la sortie lorsqu'elle fut bousculée. Elle se retourna pour voir une jeune fille face à elle.


- Bonjour, je suis désolée, je regardai pas. Je m'appelle Morgane, et toi ?

La jeune soviétique était en réalité tout à fait responsable de l'accident, mais puisque c'était demandé si gentiment elle s'engouffra dans la brèche et le mit sur le dos de l'autre, en la fixant d'un air inquisiteur de ses yeux verts de chasseresse. 


- Da, fais gaffe où tu vas la prochaine fois. 

Elle laissa un silence couler pendant quelques secondes, en continuant de descendre les marches étriquées. Seul le bruit du vent frais qui soufflait inlassablement à cette hauteur comblait le vide qu'elle laissait vivre. Puis, sans crier gare, elle répondit d'une voix neutre, en laissant vagabonder son habituel petit accent russe sur les mots qui quittaient ses lèvres. 


- J'suis Saskia. Et me pose pas de question sur la façon dont j'suis arrivée à la cérémonie du choixpeau j'en ai marre d'expliquer.

Sa chevelure blonde et son teint pâle ne laissait que peu de doute là-dessus : Morgane se trouvait bien face à la fille qui était arrivée en trombe au milieu de la cérémonie blessée et entourée d'aurors, à cause de laquelle une courte interruption avait eu lieu. 

Morgane se sentit légèrement agressée et vexée par le ton inquisiteur de la jeune soviétique.


- Je ne comptais pas te le demander, je me doute que tout le monde a du te souler avec ça, à vrai dire je ne connais personne et j'allais simplement te proposer d'aller se promener et pourquoi pas apprendre à se connaitre, mais si tu le prends sur ce ton ...

Elle soupira légèrement. 


- Davaï davaï. On peut faire ça. J'suis juste énervée. 

Tenta-t-elle d'expliquer très sobrement. Elle se fichait un peu de perdre une amie potentielle, mais bon. Cela restait toujours une proposition plus agréable que les incessantes questions qu'elle subissait, et les regards méfiants et désagréables qui les accompagnaient. Elle observa vaguement son interlocutrice, et remarqua un détail qu'elle utilisa pour poursuivre la conversation. 


- T'es chez Serpentard ? Tu connais pas une certaine Ellie Johnson par hasard ?

Morgane vit que la soviétique semblai se détendre et fut contente de voir que son ton était moins agressif.


- Oui, je la connais en effet. Mais toi, d'où la connais tu ?

- J'la connais pas, j'connais son père. C'est un type bien, il m'a pas mal aidé. 

Cette phrase pouvait être comprise d'une manière quelque peu inquiétante, si Morgane connaissait le métier de juge du père d'Ellie. Mais la "poufsouffle" n'y songea pas un instant. Elle se contenta d'ajouter : 


- Du coup j'voulais la rencontrer, elle doit être sympa aussi non ?

Morgane sourit, se souvenant de l'entrée fracassante du père d'Ellie la veille.


- Oui, elle est très sympa, à mon avis elle n'a pas sa place à Serpentard, moi non plus d'ailleurs. Elle est accueillante et chaleureuse. Tu veux qu'on essaie de la trouver ?

- J'me doute, j'ai l'impression que personne est dans la bonne maison. Le seul autre Serpentard que j'connais il empile pas trois mots sans bégayer le pauvre. Moi j'aurais plus ma place là-bas, de c'que j'ai compris. Ou ailleurs. En tout cas pas chez Poufsouffle. 

Elle observa le ciel, à la fois dubitative et un peu ailleurs, puis elle se ressaisit. 


- Ouais, ça peut être sympa.

Morgane commença à descendre les escaliers, invitant Saskia à la suivre.


- Viens, on peut aller voir en extérieur, vers le lac, si elle y est, sinon on ira aux cachots.

Curieuse coïncidence, c'était lors de ce moment intime et recherché de solitude qu'Apolline avait elle aussi décidé de rejoindre la Volière. Tout comme Elisabeth, elle ne s'y rendait pas dans le but d'envoyer un message, mais simplement pour profiter d'un instant privilégié et paisible en compagnie de l'une des seules créatures de sa connaissance que son coeur savait chérir : sa chouette. Quelques minutes de tendresse, mais aussi de faiblesse, dont elle préférait donc profiter dans le plus grand des secrets.

Cela expliquait donc pourquoi la présence d'Elisabeth la courrouçait de la sorte : à la vue de la jeune Poufsouffle, elle se renfrogna et perdit la bonne humeur qu'elle avait eue à l'idée de venir ici. Elle la jaugea, la jugea même d'un oeil critique, l'observant des pieds à la tête. Qu'est-ce que cette emmerdeuse pouvait bien faire ici, si ce n'était pour envoyer un message ? Sans même prendre la peine de la saluer, elle lui demanda d'une intonation froide qui laissait transparaître son impatience :

" Vous en avez encore pour longtemps ? ", sous-entendu, ce serait bien si vous partiez, maintenant.

Elle se retourna vers la nouvelle venue avant de dire d'une voix calme et douce. 

"_Bonjour, Non pas vraiment, mais tu peux faire ce que tu souhaites je ne te regarderais pas..."

Après quoi elle lui sourit gentiment, puis se retourna vers sa chouette pour lui gratouiller les plumes. Visiblement elle semblait bien aimait cela au vu de ses légers mordillement. Elisabeth n'avait vu Apolline que très peu de fois, elle ne la connaissait pas vraiment, mais elle avait défendu Margaret à ses côtés, une bonne chose pour la petite Poufsouffle, qui ne demandait que des amis de confiance. 

"_Tu es une amie de Margaret c'est ça ? Je me souviens que tu l'avais aussi défendu contre Le proviseur et cet affreux Polius"

Apolline aurait pu se montrer plus virulente encore, mais face au sourire franc et à la douceur qu'Elisabeth lui témoignait et ce malgré son approche quelque peu brutale, elle se sentit surtout honteuse et démunie. Elle ne s'était pas attendue à une réaction si posée et sereine. Elle avait le sentiment d'avoir montré les crocs face à un innocent petit chaton. Elle voulait certes toujours la voir s'en aller, mais n'osait tout simplement plus le lui demander.
Cela lui fit étrange d'être appelée " l'amie de Margaret ". Probablement car elle n'avait jamais été l'amie de personne. Mais il faut croire qu'elles s'étaient toutes deux tant rapprochées que cela se remarquait même de l'extérieur. Surprise encore une fois par cet état de fait, Apolline en venait à perdre ses moyens.

" La... L'amie ? O-oui. Oui... Je suis l'amie de Margaret. V... L'idée de la vouvoyer lui parut alors déplacée, voire complètement stupide. Toi aussi ? "

Quelque peu gênée, incapable de soutenir le regard aimable de la Poufsouffle alors qu'elle n'aurait pas baissé les yeux face à un Polius, elle se dirigea vers le petit renfoncement où sa chouette avait fait son nid.

Beth trouvait marrant le fait qu'elle la vouvoie, elle avait l'impression d'être une grande personne comme sa maman. Néanmoins, elle ne s'attendait pas à ce que la fillette perde ses moyens devant elle, Elisabeth ne voulait en aucun cas la gênée ou la rendre mal à l'aise. Elle ne voulait que son bien, et décida donc de ne pas la regarder pour lui laisser plus d'intimité, cet endroit semblait aussi important pour elle, surement un exutoire. 

"_Oui, C'est une bonne personne vraiment, quelque peut colérique par moment, elle gloussa gentiment, mais au fond, malgré ce que tout le monde peut dire, elle a une belle âme"

Elle se retourna pour lui sourire, se souvenant bien sur de son prénom. 

"_Apolline c'est ça ? Je suis enchantée, je m'appelle Elisabeth mais tu peux m'appeler Beth si tu veux ou autrement à toi de voir...Tu viens souvent ici ? J'espère que je ne te dérange pas en te parlant, je peux être un peu piplette par moment"

s'excusa t'elle franchement, le visage resplendissant de joie. Malgré que Beth appréciait ces quelques moments de solitude, avec ces compagnons, elle aimait encore plus rencontrer du monde, et parler, apporter de la joie.

Une belle âme ?.. Margaret ? Peut-être, après tout. Elisabeth avait probablement raison. Elle aussi, probablement, avait-elle une belle âme. Une belle âme... C'était sûrement cela qui incommodait tant Apolline. De faire face à quelqu'un qui transpirait le bien, la pureté, la simplicité. Alors qu'elle, petite créature hargneuse, corrompue pourrie et souillée jusqu'au plus profond d'elle-même, se dégoûtait de tout son être. Voilà pourquoi elle peinait à soutenir le regard de la jeune fille, apeurée à l'idée que son innocence vienne à se salir en sondant la pourriture de son âme. Elle admirait cette candeur, cette bonté, mais plus encore les jalousait, les haïssait même. Dans son coeur malsain naissait une profonde rancoeur pour cette fille qui était tout ce qu'elle ne pouvait plus être. Elle souhaitait plus fort encore la voir disparaître, d'une part car sa simple présence la faisait souffrir de l'envie, et de l'autre car elle savait, elle sentait qu'elle allait finir par se montrer terriblement mauvaise d'un moment à l'autre. Elle avait, malheureusement, retrouvé tous ses esprits.

 " Greengrass. A l'entente de son prénom, elle s'était souvenue de son nom. Elle ne l'appellerait pas Elisabeth, et encore moins Beth, mais par son patronyme, pour marquer la distance, aidée d'un vouvoiement forcé. Non, vous ne me dérangez pas en me parlant. C'est votre présence même qui m'insupporte. Je suis venue ici pour être seule. " assène-t-elle sèchement, le dos tourné.

Elle tend le bras vers l'avant, et sa chouette vient délicatement s'y nicher. Lentement, elle lui caresse la tête.

"_Oh dans ce cas là, dit elle le plus calme possible sans une once de froideur ou de méchanceté, va falloir attendre, car je n'ai pas fini ce que j'étais entrain de faire, et je ne m'en irais pas, surtout pas de cette manière, désolée très chère Apolline."

Elle lui fit un grand sourire avant de s'occuper de ses propres affaires, si elle devait lui foncer dessus ou autres, la fillette ne s'y attendrait pas le moins du monde pour la simple raison qu'elle était trop innocente pour penser que quelqu'un voudrait lui faire du mal. Si Apolline était énervée par sa présence ? très bien, elle serait partie, mais là, ses propos, sa demande était bien trop brusque, bien trop méchante, pour que Beth accepte de faire ce qu'elle dit. Elle était naïve, innocente, mais n'obéissait pas à des ordres directs, surtout ceux d'une jeune fille de son âge. Elle la laissera donc dans sa colère, sans dire un mot, le plus calme possible. Elle ne comprenait pas trop se revirement de situation, quelques minutes avant, elle était calme, douce et gentille, maintenant elle l'agressait sans aucune raison, visiblement la fillette semblait ne pas avoir vécu une vie très facile pour réagir de la sorte.

Décidément, la Poufsouffle, têtue et peu encline à se laisser marcher sur les pieds, avait choisi de lui tenir tête. Son sourire, Apolline ne le vit pas, mais le devina aisément. Elle, de son côté, sentait la colère la gagner, son regard se noircir de plus en plus, son nez se retrousser nerveusement. Soit, si Greengrass ne voulait pas partir d'elle-même, il suffisait de l'y forcer. Il fallait la chasser.
Sa chouette, Apolline l'avait bien choisie. Elle avait cela de particulier qu'elle était aussi méchante qu'elle, si ce n'est davantage. C'était un oiseau agressif et hargneux, qui n'hésitait pas à piquer du bec et faire tâter de ses serres ses semblables, ou toute personne qui essaierait de la toucher en dehors de sa maîtresse. D'un mouvement du bras, sans un mot, la Serpentarde envoya le volatile s'attaquer à celui de la Poufsouffle, chose qu'il aurait pu faire sans même qu'on le lui demande.

" Oh, attention ! Elle n'est pas très sympathique. "