L'anglais ne l'avoua jamais à quiconque — du reste, il évita même d'y penser —, mais la prétendue flânerie qui l'amena de nouveau en ces lieux, moins de deux semaines après qu'il eut envoyé sa lettre, n'eut rien de fortuite. Pourtant, il fit tout comme, ouvrant sa boîte postale d'un air désintéressé, comme s'il n'espérait rien de particulier, avant qu'il n'humât un arôme qui le fit presque se pâmer. Médusé, il détailla sa réponse durant de longues minutes sans oser la toucher. Lorsqu'il s'en saisit enfin, avec une infinie délicatesse, et qu'il la lut, il dut s'accoter à l'un des murs de la pièce pour ne pas s'effondrer sur le sol ; ses émotions furent partagés entre le désemparement, la béatitude et la vergogne. Il voulut d'abord répondre, dissiper le moindre doute qu'il pourrait y avoir sur sa présence future, mais se ravisa finalement : le cafard avait encore assez d'ego pour s'abstenir d'une pareille entreprise, même si cela la concernait. Toujours est-il qu'il se serait donné la mort s'il avait récupéré son courrier trop tard, de sorte qu'il loupât l'entrevue. Le soir même, à l'une de ces heures nébuleuses dont on ne sait si elle marque la fin de la journée ou le début de la nuit, il fit, à l'abri des regards, une entaille dans son vêtement afin d'y enfouir, dans sa doublure, son précieux, à la manière de l'Autre et de sa Nuit de feu.